Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/379

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de s’y enfermer. C’était le 6 mars 1204. C’est ainsi que Philippe Auguste s’empara de ce château, que ses contemporains regardaient comme imprenable.

Si nous avons donné à peu près en entier la description de ce siège mémorable écrit par Guillaume le Breton, c’est qu’elle met en évidence un fait curieux dans l’histoire de la fortification des châteaux. Le château Gaillard, malgré sa situation, malgré l’habileté déployée par Richard dans les détails de la défense, est trop resserré ; les obstacles accumulés sur un petit espace devaient nuire aux défenseurs en les empêchant de se porter en masse sur le point attaqué. Richard avait abusé des retranchements, des fossés intérieurs ; les ouvrages amoncelés les uns sur les autres servaient d’abri aux assaillants qui s’en emparaient successivement ; il n’était plus possible de les déloger ; en se massant derrière ces défenses acquises, ils pouvaient s’élancer en force sur les points encore inattaqués, trop étroits pour être garnis de nombreux soldats. Contre une surprise, contre une attaque brusque tentée par un corps d’armée peu nombreux, le château Gaillard était excellent ; mais contre un siège en règle dirigé par un général habile et soutenu par une armée considérable et bien munie d’engins, ayant du temps pour prendre ses dispositions et des hommes en grand nombre pour les mettre à exécution sans relâche, il devait tomber promptement, du moment que la première défense était forcée ; c’est ce qui arriva. Il ne faut pas moins reconnaître que le château Gaillard n’était que la citadelle d’un vaste ensemble de fortifications étudié et tracé de main de maître ; que Philippe Auguste armé de toute sa puissance avait dû employer huit mois pour le réduire, et qu’enfin Jean sans Terre n’avait fait qu’une tentative pour le secourir. Du vivant de Richard, l’armée française, harcelée du dehors, n’eût pas eu le loisir de disposer ses attaques avec cette méthode ; elle n’aurait pu conquérir cette forteresse importante, le boulevard de la Normandie, qu’au prix de bien plus grands sacrifices, et peut-être eût-elle été obligée de lever le siège du château Gaillard avant d’avoir pu entamer ses ouvrages extérieurs. Dès que Philippe se fut emparé de ce point stratégique si bien choisi par Richard, Jean