Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/386

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avaient osé s’attaquer à la personne sacrée du roi de France.

Guillaume des Barres a regagné son poste devant Otton. Il s’acharne contre l’empereur avec Pierre Mauvoisin et Gérard la Truie. Pierre a saisi la bride du cheval impérial. Gérard la Truie frappe Otton en pleine poitrine d’un coup qui s’émousse ; il redouble, mais le cheval, qui fait un mouvement de tête, reçoit la pointe dans l’œil, se lève sur les pieds de derrière, dégage sa bride, tourne et s’emporte. Guillaume le suit à fond de train. Le cheval d’Otton s’abat, tué par sa blessure ; un des hommes de l’empereur lui donne le sien, mais Guillaume l’a rejoint. Déjà il avait saisi l’empereur par derrière, enfonçant ses doigts vigoureux entre le casque et le cou, quand un des Allemands frappe au flanc le cheval du Français, qui tombe à terre.

Ainsi fut sauvé des mains du plus redoutable jouteur de la chrétienté Otton, l’empereur excommunié, mais le péril lui avait fait perdre l’esprit. « Et s’en alla li empereires en Allemaigne, » dit un chroniqueur. Otton continua de courir, en effet, et ne s’arrêta qu’à Valenciennes. Quant à Guillaume, presque seul en arrière des lignes ennemies, entouré, harcelé, il fait front partout, jusqu’à ce qu’il soit délivré par une charge du sire de Saint-Waléry.

La fuite d’Otton n’arrêta point la lutte. Chevaliers d’Allemagne et chevaliers de France s’embrassèrent en étreintes mortelles. Jetés bas par leurs chevaux éventrés, ils s’empoignaient. C’étaient des corps à corps sans nombre, car il n’y avait plus d’espace pour les coups d’épée. Un géant parmi les chevaliers de France, Étienne de Longchamp, « homme aux membres immenses, qui ajoutait la vigueur à son immensité et l’audace à sa force, » saisissait les Allemands par le cou ou par les reins et, sans blessure, les tuait. Un de ses adversaires, près d’expirer, enfonça son fer dans la petite « fenêtre » du heaume d’Étienne. Ils tombèrent l’un sur l’autre, morts à quelques pas du roi de France qui les regardait.

Avant la fin de la journée, la plupart des Allemands étaient pris. Au centre de la bataille, l’ennemi, sans direction, combattait sans espoir.