Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/408

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ceux qui s’étaient engagés (empris) contre lui avec le roi de France. Le messager, un certain Rogier Malchael, revient, et aux questions que lui fait le roi déjà gravement malade, il répond : « Sire, puisse Jésus-Christ me venir en aide ! le premier qui est ici écrit, c’est le comte Jean votre fils ! »

    Et cil en suspirant li dist :
    « Sire, si m’ait Jhesu Crit,
    Li premiers qui est ci escriz,
    C’est li quens Johan vostre fiz. »

C’est dans le texte qu’il faut lire la suite. Il y a dans notre ancienne littérature peu de pages aussi émouvantes que celle où est contée la douleur sans espoir du malheureux roi qui n’en veut plus entendre davantage, dont la tête se perd, qui marmotte des paroles inintelligibles (il parlait, mais nul ne savait — Prou entendre ce qu’il disait) ; qui meurt enfin d’une hémorragie. Il souffrait d’une maladie nerveuse, probablement d’un rhumatisme articulaire ; et l’on sait quel degré d’intensité peut atteindre la souffrance morale chez les malheureux dont le système nerveux est attaqué.

    Quant li reis Henris entendi
    Que la riens ou plus atendi
    A bien faire e qu’il plus amot
    Le traïsseit, puis ne dist mot
    Fors tant : « Asez en avez dit. »
    Lors s’entorna devers son lit :
    Li cors li frit, li sans li trouble
    Si k’il out la color si troble
    Qu’el fu neire e persie e pale,
    Por sa dolor qui si fut male
    Perdi sa memorie trestote,
    Si qu’il n’oï ne re vit gote.
    En tel peine et en tel dolor
    Fu travalliez tresque al terz jor.
    Il parlout, mais nuls ne saveit
    Prou entendre k[e] il diseit.
    Li sanz li figa sur le cuer,
    Si l’estut venir a tel fuer
    Que la mort, sans plus e sanz mains,
    Li creva le cuer a ses mains.
    Molt le tient a cruel escole,
    E uns brandons de sanc li vole
    Fegié de[l] nés e de la boche.
    Morir estuet kui mort atoche
    Si cruelment com el fist lui.
    A grant perte e a grant annui
    Torna o toz [cels] qui l’amerent
    E a toz cels qui o lui erent.
    Si vos direi a poi de some
    K’onques n’avint a si halt home
    Ce qui avint a son morir,
    Kar l’om ne l’out de quei couvrir,
    Ainz remest si povre e estrange
    K’il n’out sor lui linge ne lange.

La mort du roi fut le signal d’une scène de pillage repoussante. C’était presque l’usage, lorsque le défunt avait une valetaille considérable. Le Maréchal intervient, sans succès, auprès