Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/423

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classe des propriétaires libres non nobles avait donc ici ce qui lui manquait en France : le nombre, la masse, la consistance. Un des signes de son importance est que c’est elle qui a fourni, dès l’origine, le principe de la classification des personnes. Bracton, légiste anglais du XIIIe siècle, ne distingue que deux conditions personnelles : la liberté et le vilenage. Les autres distinctions ne sont pour lui que des subdivisions sans importance juridique. A peu près à la même époque, le légiste français Beaumanoir partage le peuple en trois classes : nobles, hommes libres, serfs. Les hommes libres, ici, n’étaient guère que les bourgeois. Ceux qui vivaient dans les campagnes avaient grand’ peine à ne pas déchoir de leur condition ; ils n’échappaient à un changement d’état qu’en allant demeurer dans les villes.

Ainsi la classe des propriétaires libres non nobles, en Angleterre, formait un corps puissant, capable d’attirer à lui la classe immédiatement supérieure, celle des chevaliers, et de l’absorber ou de s’y absorber si les circonstances diminuaient l’écart de l’une à l’autre.

Le rapprochement ne se fit pas attendre ; les fiefs de chevalier, qui étaient d’abord d’une étendue assez considérable, se morcellent fréquemment dès le XIIe siècle. On les partage principalement pour l’établissement des filles et des puînés. Cela devient d’un usage si fréquent que le législateur est forcé d’intervenir. La grande charte (édition de 1217) défend d’aliéner les fiefs dans une mesure telle que ce qui reste ne suffise plus pour répondre des charges attachées à la tenure militaire. C’est encore un symptôme de la division croissante de la propriété. En 1290, le législateur abolit les sous-inféodations, et, à cette occasion, consacre, pour tout homme libre qui n’est pas vassal immédiat du roi, le droit de vendre tout ou partie de sa propriété, même sans le consentement de son seigneur. Dans l’un et l’autre cas, l’acquéreur devient le vassal du même seigneur que le vendeur. Ces mesures contribuent à multiplier les petits tenants directs de la couronne. D’autre part, les domaines des chevaliers changeant de mains et diminuant d’importance, la condition sociale des détenteurs tendait à se rapprocher de celle des propriétaires libres ordinaires, naguère très au-dessous d’eux, aujourd’hui