Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/428

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On voit sans peine l’effet de cette révolution. L’activité de la chevalerie n’est plus concentrée dans la Cour de comté. Cette classe n’est plus comme par le passé soumise au shérif, elle ne voit plus en lui le représentant le plus direct d’une royauté puissante. D’autres fonctionnaires plus élevés, mandataires plus immédiats du souverain, sont survenus. Ils se sont adressés directement à elle, ont dépossédé pour elle les anciens pouvoirs, ont réclamé son assistance et suscité un immense mouvement de progrès dont eux et elle deviendront à la fin les seuls organes. En Angleterre, c’est la centralisation qui a donné l’éveil à la décentralisation, au self-government.

La classe éminemment non féodale des chevaliers de comté est dégagée dès la fin du XIIIe siècle. Désignée à la reconnaissance du public par la gestion de nombreux services locaux, elle va par la force des choses être appelée au Parlement. Il n’est pas étonnant qu’elle incline à se tenir à part des magnats militaires, imbus de l’esprit anarchique et turbulent du moyen âge. Elle est imbue d’un tout autre esprit, d’un esprit déjà moderne ; elle est la gardienne de la paix du roi ; elle exerce ses pouvoirs par commission de l’État, selon les termes précis de la loi statutaire. C’est un élément en avance sur les autres de la société future. Ainsi s’explique ce fait particulier à l’Angleterre, la formation d’une seconde Chambre largement recrutée dans une classe, celle des propriétaires fonciers, qui ailleurs auraient pris rang avec la noblesse, et dirigée effectivement par eux. Une institution de ce genre n’aurait pas pu naître sur le continent, où, au-dessous d’un pouvoir royal sans organisation, qui n’avait su ni l’employer ni l’assujettir, la noblesse était restée à la fois si féodale et si militaire, si peu portée à se concevoir comme un organe de l’État et de la loi, si étrangère à des devoirs civils imposés par un texte, si fermée sur elle-même et si jalouse de ses privilèges, si peu faite en un mot pour trouver dans ses rangs des représentants accrédités du reste de la nation.

Nous voilà en mesure de comprendre comment s’est formé le Parlement anglais. Le noyau de cette assemblée, le premier cristal auquel les autres sont venus s’agréger, c’est ce magnum concilium où figuraient dès l’origine les grands vassaux ecclé-