Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/432

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le Parlement anglais, constitué dans ses éléments en 1295, nous apparaît, cinquante ans après, organisé et distribué selon trois principes qui le distinguent profondément de nos États généraux de France : 1º La division en deux Chambres, qui croise et brouille la division des classes, accentuée au contraire en France par la distinction des trois ordres. Aucun ordre n’est seul dans une même Chambre ; ils sont mêlés deux par deux ; il leur est impossible de s’isoler dans un esprit de classe étroit et exclusif ; 2º La réunion dans la Chambre basse de l’élément urbain avec un élément rural très ancien, très puissant, très actif et originairement rattaché au baronnage. Pareille fusion est ce qui a le plus manqué à notre tiers état purement citadin, composé d’hommes nouveaux, tous personnages civils, magistrats des villes ou légistes, étrangers à la propriété de la terre et à la profession des armes. Faute d’une classe moyenne agricole, il n’a jamais pu combler le fossé qui le séparait de la noblesse ; il est demeuré dans son isolement et n’a pas cessé de traverser ces alternatives de timidité et de violence, qui sont l’infirmité commune de toutes les classes nouvelles, sans alliances et sans traditions ; 3º Enfin le caractère laïque prédominant de la haute assemblée, dont une branche ne contient aucune représentation ecclésiastique, tandis que cette représentation est mélangée dans l’autre à l’élément séculier, ne siège qu’en vertu d’un titre séculier, — le fief baronnial attaché aux évêchés et à certaines abbayes, — et se pénètre ainsi à un très haut degré du sentiment national et de l’esprit de la société civile.

E. BOUTMY, Le développement de la constitution et de la société politique en Angleterre, Paris, Plon, 1887, in-16. Passim.