Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/452

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en 1289. Enfant, il eût pu contempler saint François d’Assise ; il vit s’épanouir, dans leur suavité printanière, les fleurs de la légende séraphique. Pendant quarante années il se promena en Italie et en France, de couvent en couvent. Il conversa avec les personnages les plus grands de son siècle. Il vit face à face Frédéric II, vidi eum et aliquando dilexi ; il connut familièrement Jean de Parme et Hugues de Digne. A Sens, il entendit Plano Carpi, le précurseur de Marco Polo, expliquer son livre « sur les Tartares ». Il aborda, à Lyon, Innocent IV, le pape terrible qui avait juré d’écraser la maison de Souabe et de poser son talon sur ce « nid de vipères ». Enfin, en 1248, à Sens, au moment de la Pentecôte, il a vu saint Louis. Le roi se rendait à la croisade, cheminant à pied, en dehors du cortège de sa chevalerie, priant et visitant les pauvres, « moine plutôt que soldat », écrit Salimbene. Le portrait qu’il nous en donne est charmant. Erat autem rex subtilis et gracilis, macilentus convenienter et longus, habens vultum angelicum et faciem gratiosam. Et quel fin repas il fit servir aux Mineurs de Sens ! D’abord, le vin noble, le vin du roi, vinum præcipuum ; puis, des cerises, des fèves fraîches cuites dans du lait, des poissons, des écrevisses, des pâtés d’anguilles, du riz au lait d’amandes saupoudré de cynamone, des anguilles assaisonnées d’une sauce excellente (cum optimo salsamento), des tourtes, des fruits. Remarquez que le menu est rigoureusement maigre, mais d’un maigre canonical qui permet d’attendre avec résignation le gras du lendemain. C’était, peut-être, la Vigile de la Pentecôte, jour d’abstinence, jour de lentilles et de racines ; mais François avait dit dans sa Règle : Mangez de tous les mets qu’on vous servira, necessitas non habet legem. Salimbene accompagna le roi jusqu’au Rhône. Un matin, il entra avec lui dans une église de campagne qui n’était point pavée. Saint Louis, par humilité, voulut s’asseoir dans la poussière, et dit aux frères : Venite ad me, fratres mei dulcissimi, et audite verba mea. Et les petits moines s’assirent en rond autour du roi de France.

Certes voilà, pour un obscur religieux, une vie et des souvenirs qui n’ont rien de vulgaire. Mais la singularité originale de Salimbene est surtout dans sa vocation au Joachimisme, à la