Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Évidemment, la notion d’orthodoxie était alors très particulière. Il était entendu que les fidèles, individuellement, ou formés en communautés libres, pouvaient chercher où il leur plairait la voie du salut. Et chacun de tirer de son côté selon son humeur ; celui-ci, un laïque de Parme, s’enferme en un couvent de cisterciens pour écrire des prophéties ; cet autre, un ami des mineurs, fonde quelque chose pour lui tout seul (sibi ipsi vivebat). C’est le Don Quichotte de saint Jean-Baptiste : longue barbe, cape arménienne, tunique de peau de bête, une sorte de chasuble sur les épaules avec la croix devant et derrière, et tenant une trompette de cuivre (terribiliter reboabat sua tuba), il prêche dans les églises et sur les places, suivi d’une foule d’enfants qui portent des branches d’arbres et des cierges. Voici les Saccati ou Boscarioli, hommes vêtus de sacs, hommes des bois. C’est une secte de faux Mineurs sortie du groupe de Hugues de Digne et qui ont pris un costume pareil à celui des franciscains. Ils semblent de furieux quêteurs, plus alertes que les vrais, et qui ne leur laissent que des miettes. Salimbene les méprise. Voici les Apostoli, des vagabonds, tota die ociosi (ocieux), qui volunt vivere de labore et sudore aliorum. Cette bande va et vient, attirant à elle les enfants qu’ils font prêcher, suivie d’une troupe de femmes (mulierculæ), vêtues de longs manteaux, qui se disent leurs sœurs ; ils doivent pratiquer le communisme à outrance. Leur chef, Gherardino, a des aventures galantes qui révoltent la pudeur de Salimbene. Le scandale des Apostoli émut l’évêque de Parme, qui fit emprisonner ceux qu’il put prendre. Puis Grégoire X condamna la secte, qui refusa de se soumettre. Les Saccati, plus humbles, s’étaient soumis.

Deux sociétés religieuses, orthodoxes, mais très différentes l’une de l’autre, ont attiré l’attention de Salimbene : les flagellants et les Gaudentes, ou les joyeux compères. Les flagellants apparurent dans l’Italie du Nord en 1260, l’année fatale des joachimites : « Tous, petits et grands, nobles, soldats, gens du peuple, nus jusqu’à la ceinture, allaient en procession à travers les villes et se fouettaient, précédés des évêques et des religieux. » La panique mystique fit de grands ravages : tout le monde perdait la tête, on se confessait, on restituait le bien volé, on se