Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/462

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Salimbene et sa chronique sont une relique bien vénérable du passé. Ils n’engendrent point la mélancolie, ce qui est bon ; mais ce qui vaut mieux encore, ils inspirent de sérieuses réflexions ou confirment de graves idées historiques. Chacune des pages de ce livre montre que la liberté d’invention déployée par les Italiens du XIIIe siècle dans l’œuvre de la Commune, dans l’organisation des franchises politiques et sociales, fut tout aussi grande, aussi féconde, à la même époque, dans l’ordre des faits religieux. La conscience libre dans la cité libre, telle fut alors la formule de la civilisation italienne. Certes, l’apostolat même de saint François et ses résultats immédiats témoignaient déjà, d’une façon éclatante, de cette vérité. Mais ici, de l’exquise poésie de la légende sortait peut-être un sentiment trop idéal de la réalité historique. L’odeur suave des Fioretti, telle qu’une vapeur d’encens, nous trouble les sens et donne une illusion paradisiaque. Le franciscain de Parme, si familier, qui raconte avec candeur tout ce qu’il a entendu, tout ce qu’il a vu, dissipe quelque peu l’enchantement et nous apprend que, dans l’ordre séraphique, tous n’étaient pas des séraphins. On ne connaît pas une société religieuse si l’on n’en visite que les sanctuaires, si l’on n’en contemple que les fondateurs ; il importe aussi de fouiller les coins et les recoins, la sacristie, le cloître, le réfectoire et les cellules, et de prêter l’oreille aux pieux propos, aux confidences, aux joyeusetés des plus humbles moines. Pour cet office, Salimbene est un guide incomparable ; on ne fait pas de meilleure grâce aux étrangers les honneurs de son couvent.

E. GEBHART, dans le Bulletin du cercle Saint-Simon, 1884[1].

  1. [Cf. E. Michael, Salimbene und seine Chronik, Innsbruck, 1889, in-8º.]