Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/484

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d’un ancien, d’un grand législateur scientifique. Là où le gros des hommes ne peut s’attacher ni à l’autorité dogmatique d’un corps sacerdotal, ni à l’autorité des corps savants, il faut bien qu’il tienne à l’autorité d’un chef d’école. Or le moyen âge manquait d’académies, et l’Église avait la sagesse de ne définir que dans une certaine mesure le dogme astronomique ; il fallait donc qu’on eût l’autorité d’un ancien, et Ptolémée était pour les chrétiens d’Occident, comme pour les Arabes et les Tatars convertis à l’Islam, l’Aristote de l’astronomie. Les perfectionnements de détail apportés par ceux-ci à la doctrine du maître ne touchaient pas au fond du système. D’ailleurs, la conception du monde et de la place de l’homme dans le monde, telle qu’elle résultait de l’enseignement des astronomes alexandrins, si elle s’accordait assez mal avec les images et les formules populaires de la prédication chrétienne, n’avait rien qui ne se conciliât très bien avec une théologie savante. Le monde de Ptolémée ressemblait à une machine, à une horloge de cathédrale ; et l’idée de l’horloge, de son inaltérabilité et de sa justesse parfaite, cadre à merveille avec l’idée de l’unité et de la personnalité de l’horloger, de sa toute-puissance et de sa sagesse infinie. L’alliance intime, scellée entre le visible et l’invisible, entre Dieu et l’homme, écrasait moins la raison, quand la terre sur laquelle l’homme règne était, même pour le philosophe et le savant, le centre et le but de l’architecture du monde.

En dehors de l’encyclopédie mathématique ou du quadrivium pythagoricien, la forme scientifique, à proprement parler, ne trouvait à quoi s’appliquer, pas plus chez les Occidentaux du moyen âge que chez leurs ancêtres dans la science, les Grecs et les Arabes. Il ne faut pas confondre la science et les connaissances. Un amas de faits recueillis et d’observations enregistrées n’est point encore une science, pas plus qu’un attroupement d’hommes n’est une armée ; et si le trésor des connaissances s’accroît sans cesse avec le temps, il faut attendre quelquefois pendant des siècles l’illumination d’une idée pour que la science fasse réellement des progrès. En géographie, par exemple, les Européens avaient acquis, après Marco Polo, et surtout par suite de leurs communications avec un peuple aussi navi-