Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/486

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ou des Prédicaments servant d’introduction à la logique d’Aristote, et d’où toute la philosophie du moyen âge est sortie, rentrent dans le même ordre d’idées et peuvent aussi être considérés comme un appendice de la grammaire.

Précédé d’une telle introduction et remanié par les abréviateurs alexandrins et latins de la décadence, le traité de logique, l’Organon d’Aristote, était, lors des premiers essais de restauration des études en Occident, tout ce que l’on connaissait de l’encyclopédie du Stagirite. Il n’y a point là de métaphysique, ni même de philosophie. Quand on se borne aux Premiers Analytiques, comme le faisaient communément les logiciens du moyen âge, la logique d’Aristote, c’est-à-dire une théorie du syllogisme fondée sur la classification des catégories et sur la doctrine des définitions et des combinaisons, ressemble beaucoup à un chapitre d’algèbre ; elle a des caractères scientifiques. Si cette logique purement formelle et formaliste ne comporte pas les développements et les progrès dont une science telle que la géométrie ou l’algèbre est susceptible, elle figure au moins comme un îlot qui offre un abri sûr aux esprits ballottés sur la mer changeante des opinions philosophiques.

Voilà comment, dans notre Europe occidentale, la science a précédé la métaphysique et visé dès l’origine à l’enfermer dans un cadre scientifique. Les plus vives querelles des philosophes du moyen âge ont porté sur des questions de logique ou peuvent s’y rattacher. A mesure que les traités de physique et de métaphysique d’Aristote sont parvenus à la connaissance des chrétiens d’Occident et ont été dans les écoles l’objet de gloses, d’abrégés ou de commentaires, on y a pu appliquer les procédés d’argumentation technique et formaliste avec lesquels on était familiarisé par la triture de la logique péripatéticienne. Le tout s’est appelé la scolastique, mot bien choisi, puisque rien ne se prêtait mieux à la dispute et aux exercices de l’école. La scolastique est, si l’on veut, l’abus des formes scientifiques dans un ordre de spéculations qui diffère de la science par des caractères essentiels ; son règne n’en témoigne pas moins de la tournure scientifique que, dès l’origine, tend à prendre le travail des esprits au sein de notre civilisation européenne.