Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/492

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la dette civile étaient confondues, tous les délits se rachetant par le payement d’une somme d’argent déterminée. Jésus a payé notre « composition ».

Cette époque vit fleurir l’école mystique de saint Victor de Paris, dont la psychologie subtile compte et décrit les degrés que parcourt l’âme fidèle dans son ascension vers l’amour infini : christianisme tout intérieur, où le sacerdoce et les sacrements matériels tiennent peu de place, et dont la méthode repose sur ce principe que la fidélité du cœur et de la conduite à la vérité déjà connue est indispensable au progrès dans la vérité. Ces doctrines de vie intérieure se sont mêlées à l’enseignement catholique ; elles l’ont fait durer, en lui donnant des prises sur la conscience ; mais, au fond, elles contredisent les vraies tendances de la religion sacerdotale, qui fait du salut une exemption de peines, une assurance de bonheur futur indépendante des dispositions morales du fidèle et qui permet à celui-ci de se décharger sur le prêtre de toute inquiétude sur son sort à venir, moyennant une obéissance plus ou moins strictement exigée, suivant les circonstances des temps et des lieux. Cette grande ligne du catholicisme fut définitivement arrêtée par Pierre le Lombard, qui prit une part importante à l’achèvement du dogme, en complétant la liste des sacrements. Dans son Livre des Sentences, les questions théologiques se disposent dans un ordre méthodique, avec l’opinion des principaux docteurs sur chacune d’elles, et les conclusions de l’auteur. Nul n’ignore que ce texte capital fut cent et cent fois commenté dans l’école, dont l’enseignement s’est en quelque sorte constitué sous cette forme. Quelques-uns des plus grands monuments du moyen âge sont des commentaires du Lombard. Contrairement aux aspirations d’une spiritualité dangereuse, Pierre établit fortement la valeur et la nécessité des rites matériels, des sacrements, établis de Dieu lui-même, pour condescendre à notre nature et remplir notre vie, sans la détourner de son suprême objet. A l’importance des sacrements se mesurent le rôle et la dignité du prêtre, qui a seul qualité pour les administrer. La théologie du savant prélat allait tout entière à l’exaltation du sacerdoce. Telle est l’explication naturelle de son incomparable succès.