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I. — LA LITTÉRATURE FRANÇAISE EN EUROPE AU XIIe SIÈCLE.


Le domaine littéraire de la France s’étendait, au XIIe siècle, bien au delà des limites du royaume, et, sans parler des provinces limitrophes dont l’histoire se rattache naturellement à la nôtre, notre langue et notre poésie, à la suite de nos armes, avaient conquis en Europe et même au delà de vastes possessions.

La plus belle et la plus importante pour l’histoire littéraire, c’est l’Angleterre. Pendant tout le XIIe siècle, la littérature de l’Angleterre a été la littérature française. Non seulement nos anciens poèmes furent aussi répandus que chez nous dans le pays que les Normands avaient conquis en chantant la chanson de Roland, mais la littérature sérieuse et la poésie courtoise y déployèrent une floraison brillante. J’ai déjà parlé de l’influence considérable exercée par les rois anglais sur les écrivains et les trouveurs de Normandie, de Touraine et d’Anjou ; ils en appelèrent plus d’un auprès d’eux, et bientôt sous leur protection et celle de leurs barons se formaient en Angleterre même des romanceurs habiles et nombreux. C’est même en Angleterre que nous trouvons les plus anciennes dates pour l’existence de cette littérature qui s’efforça de vulgariser l’instruction la plus diverse. La reine Aélis de Louvain (1121-1135) apporta sans doute de Brabant à la cour du roi Henri Ier le goût des lettres françaises : dès son couronnement, nous voyons le clerc Benoît mettre pour elle en vers français la vie de saint Brandan, curieuse légende sortie de l’imagination celtique et qu’elle voulut connaître comme un produit de sa nouvelle patrie. C’est en son honneur que Philippe de Thaon, déjà auteur d’un Comput rimé, a composé son Bestiaire. Devenue veuve, elle fit écrire par un poète appelé David, dont l’œuvre est malheureusement perdue, une longue histoire du mari qu’elle pleurait, en