Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/509

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traduits plusieurs des longs ouvrages historiques qui y avaient été écrits en latin ; c’est là enfin que la chute du royaume de Jérusalem en 1189 donna lieu aux plus anciens récits d’événements contemporains qui aient été écrits en prose française.

Un autre établissement français hors de nos limites, le royaume de Portugal, fondé en 1095 par le prince Henri de Bourgogne, a été trop promptement et trop complètement séparé de la France pour qu’au XIIe siècle notre littérature put y prendre pied ; d’ailleurs les Français étaient là en petit nombre, et ils adoptèrent rapidement la langue du peuple portugais dans lequel ils se fondirent ; mais il est probable que cette origine française des rois et grands seigneurs ne fut pas sans influence sur les commencements de la poésie lyrique portugaise, évidemment imitée de celle des trouveurs et des troubadours.

C’est, en effet, au delà du pays de sa naissance, au delà des contrées où les Français s’étaient établis, un troisième domaine de la littérature française au XIIe siècle que lui forment les pays où elle a été goûtée, admirée et imitée. Il faudrait écrire plus d’un volume si on voulait énumérer en détail les preuves du succès inouï de notre poésie en Europe à cette époque ; je m’y astreindrai d’autant moins que beaucoup des imitations étrangères sont sensiblement postérieures à leurs originaux ; je ne veux que vous donner une idée générale de cette vaste littérature, dont le fond est français, dont la forme est provençale, espagnole, italienne, grecque, allemande, hollandaise, anglaise, scandinave, et qui constitue autour du foyer que je viens de vous décrire un rayonnement incomparable.

Nous avons vu plus haut que, tandis que la littérature française dépassait de beaucoup en divers sens les limites du royaume de France, elle ne les remplissait pas dans le royaume même. Les provinces du Midi avaient une langue et une littérature à elles, qui s’étaient développées dans des conditions et avec des caractères assez différents. C’est donc, à vrai dire, la première action de notre littérature sur une littérature étrangère que celle qu’elle exerça sur la poésie des troubadours. Elle lui emprunta, vers le milieu du XIIe siècle, les formes et l’esprit de sa poésie lyrique, mais, elle lui imposa en revanche sa riche