Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/516

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Verneilh l’occasion de consulter les auteurs subséquents. Sa surprise ne fut pas petite de les trouver tous d’accord avec Philibert Delorme. Jusqu’à la fin du siècle dernier, les théoriciens aussi bien que les glossateurs n’ont entendu par ogives ou augives que les nervures diagonales des voûtes du moyen âge. Pour trouver des fenêtres ogives, il faut descendre jusqu’à Millin, qui lui-même, dans son Dictionnaire des arts, ne laisse pas cependant que d’admettre la définition de ses devanciers, de sorte que c’est d’une inadvertance de Millin que le sens nouveau d’ogive paraît être issu. La fortune du mot ainsi dénaturé ne tarda pas à croître en même temps que le goût pour les choses du moyen âge.

M. de Verneilh n’avait cependant rien allégué de bien positif pour l’époque antérieure à Philibert Delorme. M. Lassus éclaira cette partie de la question en produisant des textes du XIVe et même du XIIIe siècle, d’où il ressort que si les auteurs postérieurs à la Renaissance avaient appelé ogive une partie de la membrure des anciennes voûtes, ils n’avaient fait en cela que continuer la tradition des hommes du moyen âge. Il fit plus, il constata que l’avant-dernière édition du Dictionnaire de l’Académie, publiée en 1814, ne définissait encore l’ogive que comme « un arceau en forme d’arête qui passe en dedans d’une voûte d’un angle à l’angle opposé », et que c’est seulement dans la réimpression de 1835 qu’à cette définition fut ajoutée pour la première fois la nouvelle : « Il est aussi adjectif des deux genres et se dit de toute arcade, voûte, etc., qui, étant plus élevée que le plein cintre, se termine en pointe, en angle : voûte ogive, arc ogive, etc. »

Voilà où en est la démonstration de l’erreur actuelle au sujet du mot ogive. Je regarde cette démonstration comme complète. Mais l’habitude est si grande d’appeler ogives les arcs brisés, les esprits y sont faits déjà de si longue main, que je ne me dissimule pas ce qu’il y a de téméraire à la vouloir proscrire. Manquât-on d’autre raison, on aurait toujours pour soi l’adage : Usus quem penes est arbitrium et jus et norma loquendi. Tel était le sentiment de M. de Verneilh, et volontiers je m’y associerais, si le nouveau sens donné à « ogive » ne constituait qu’une