Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/518

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bévue ; mais, par une fatalité rare, il arrive que cette méprise introduit dans la science une anomalie par-dessus de la confusion.

L’ogive est un arc ; transporter son nom aux autres arcs des monuments gothiques, c’est donner à entendre qu’il existe entre lui et eux un rapport quelconque. Ce rapport, nous le savons, ne peut pas être un rapport de fonction, puisque l’ogive est un support aérien sur lequel repose la voûte, tandis que les autres arcs sont des artifices pour fermer les évidements pratiqués dans la masse de la construction. Le rapport sera donc de forme. Or il arrive que dans l’architecture gothique, lorsque tous les arcs sont de forme aiguë, les ogives seules sont en plein cintre. Ainsi, pour distinguer les arcs brisés de l’architecture gothique des arcs en plein cintre usités dans le système d’architecture antérieur au gothique, nous appelons ces arcs des ogives ; et voilà que les vraies ogives sont précisément des arcs auxquels les constructeurs gothiques ont donné la forme de plein cintre.

Du moment qu’une impropriété de termes a pour conséquence de nous conduire d’une manière si complète au paralogisme, ma conclusion est qu’il faut se départir d’une habitude vicieuse, revenir à l’usage d’il y a soixante ans, appeler ogives les nervures transversales des voûtes gothiques, et arcs brisés ou gothiques les arcs en pointe qu’on a trop longtemps gratifiés du nom d’ogives.

Mais, dira-t-on, si nous renonçons au nouveau sens d’ogive, que deviendront notre art ogival, notre architecture ogivale ? Avant de s’inquiéter de ce que deviendront ces choses-là, voyons ce qu’elles sont aujourd’hui, ce qu’elles étaient hier.

Après s’être trompé d’une manière si complète sur le sens et sur l’application du mot « ogive », on a fait de l’ogive, prise pour équivalent d’arc brisé, le caractère distinctif d’un système d’architecture. On s’est dit : « Tous les édifices qu’on a appelés gothiques jusqu’à présent portent improprement ce nom, puisqu’ils ne sont ni de l’ouvrage, ni de l’invention des Goths. Cherchons dans la considération de leur architecture un vocable qui leur convienne mieux. Cette architecture n’admet point d’autres baies ni d’autres arcades que des baies ou des arcades