Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/539

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Nous sommes loin de posséder un aussi grand nombre de monuments civils en orfèvrerie émaillée : beaucoup de ces pièces, menus bijoux ou objets de toilette, nous sont parvenues isolément, et il nous est fort difficile aujourd’hui de déterminer sûrement leur usage. Mais il est évident que l’émail s’est appliqué indistinctement aux agrafes, aux pommeaux d’épée, aux manches de couteaux, aux plaques de baudrier, à des boîtes de toutes formes et de toutes dimensions. La collection Victor Gay renferme deux objets de ce genre fort curieux et remontant à la fin du XIIIe ou au commencement du XIVe siècle : ce sont une boîte de miroir à deux valves, et une petite boîte à fard, fort analogue comme forme aux vases du même genre dont faisaient usage les anciens. Le harnachement des chevaux pouvait aussi être du domaine de l’émailleur, et le Musée de Cluny possède un fort beau mors de cheval de ce genre ; mais ces monuments sont de la plus grande rareté. Il n’y a, dans cette série civile, de réellement communs que les bassins à laver, auxquels on a donné le nom de gémellions, parce qu’ils vont par paire. Ces pièces, sortes de plats d’une médiocre profondeur, sont décorés généralement d’une série d’écussons émaillés, les uns conformes aux règles du blason, les autres absolument de fantaisie, ou bien de représentations empruntées à la vie civile : scènes de chasse ou de danse, jongleurs ou ménestrels, etc. Tous les personnages, souvent assez bien dessinés, sont réservés et gravés sur un fond d’émail. Au revers se voient presque toujours des ornements gravés : une fleur de lis, un griffon ou tout autre motif de décoration formant le centre d’une rosace dont les extrémités viennent mourir sur les bords du plat. Dans chaque paire de gémellions s’en trouve un qui est muni d’une sorte de goulot ou gargouille en forme de tête de dragon. C’est ce goulot qui permettait de verser de ce bassin, que l’on tenait dans la main droite, l’eau qu’il contenait, et que l’on recevait dans le second bassin que l’on tenait horizontalement dans la main gauche. De nombreuses miniatures nous renseignent à merveille sur cet usage. On sait qu’au moyen âge, époque à laquelle les soins de