Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/556

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vais vin à du bon. L’hôtelier fait payer une mauvaise chandelle dix fois sa valeur, et réclame encore un supplément si l’on a eu le malheur de se servir de ses dés ; petites extorsions qui sont de droit aujourd’hui. De maudites vieilles, comme les appelle un austère critique, frelatent abominablement le lait, ou, lorsqu’elles veulent vendre leur vache, cessent de lui en tirer quelques jours auparavant, pour que ses mamelles gonflées fassent croire qu’elle en produit davantage. Elles cherchent à donner à leurs fromages une apparence plus grasse en les plongeant dans la soupe (in pulmentis suis). Le chanvre ou la filasse, qui s’achète au poids, est déposée durant une nuit sur la terre humide, afin de devenir plus lourde. Les bouchers usent d’un artifice qui demande plus d’habileté : ils soufflent la viande et le poisson (car ils tiennent ces deux denrées à la fois). Avant de livrer un porc, ils ont soin d’en extraire le sang, dont ils se servent pour rougir la gorge des poissons décolorés par la vétusté. Ils vendent aussi des chairs cuites (la charcuterie), mais ils s’arrangent de manière à ne pas moins gagner dessus. « Il y a sept ans que je n’ai acheté de viande ailleurs que chez vous, disait à l’un d’eux un chaland naïf, dans l’espoir d’obtenir un rabais sur ses fournitures. — Sept ans ! lui répondit-il plein d’admiration, et vous vivez encore ! »

Ce n’est là, sans doute, qu’un apologue spirituel ; mais Jacques de Vitry raconte comme étant positivement arrivé, durant son séjour en Palestine, le trait d’un empoisonneur de même espèce, qui, dans la ville d’Acre, vendait aux pèlerins des mets corrompus. Pris un jour par les Sarrasins et conduit devant le Soudan, il lui prouva d’une façon péremptoire qu’il le débarrassait chaque année de plus de cent de ses ennemis : cette facétie lui valut sa grâce.

Les accapareurs ne sont pas moins criminels. Ils cachent les denrées pour faire venir la disette et la cherté ; mais qu’arrive-t-il ? Dieu les punit en envoyant le beau temps, et ils finissent par se pendre de désespoir sur leurs monceaux de grains. Les marchands d’étoffes se vantent de rattraper sur la bure ce qu’ils perdent sur l’écarlate (melius est lucrari in burello quam perdere in scarletis). « Ils ont une aune pour vendre et une