Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/558

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dans la tombe par ses pairs, les prêtres par les prêtres, les bouchers par les bouchers, etc. Vous n’avez donc qu’une chose à faire : c’est d’appeler quatre usuriers. » Le conseil fut trouvé bon, et, en effet, les collègues du défunt enlevèrent sans difficulté le cercueil.

Étienne de Bourbon atteste avoir vu, lorsqu’il étudiait à Paris, apporter dans l’église de Notre-Dame un de ces malades, consumés par le feu sacré ou mal des ardents, qui venaient implorer de la sainte Vierge leur guérison. Ses voisins le disaient enrichi par l’usure. Les prêtres l’exhortèrent à renoncer aux biens qu’il avait acquis par ce moyen coupable, afin de pouvoir obtenir la santé. Mais il refusa avec persistance. Son corps devint alors tout noir, et il fallut le renvoyer de l’église : il rendit l’âme le soir même.

Ces châtiments exemplaires n’empêchaient pas « les adorateurs de la croix d’argent » d’être redoutés et honorés durant leur vie. On en voyait ruiner de braves chevaliers partant pour la croisade, réduire leur famille à la dernière indigence, et les faire emprisonner eux-mêmes par le seigneur du lieu, sitôt qu’ils ne pouvaient plus leur extorquer ni gages ni deniers. Petit à petit, et d’usure en usure, ils arrivaient à se créer un nom, une position influente ; comme ce jeune vaurien, qu’on appelait d’abord le galeux, et qui, étant parvenu par des gains illicites à pouvoir s’habiller convenablement, se fit appeler Martin Galeux ; lorsqu’il eut accru sa fortune, on le nomma seigneur Martin, tout court ; puis enfin il devint immensément riche, et on ne lui dit plus que monseigneur Martin, en le traitant comme un personnage digne de tous les respects….

A. LECOY DE LA MARCHE, La Chaire française au moyen âge, Paris, H. Laurens, 1886, 2e éd. Passim.


III. — LES VILAINS, D’APRÈS LES FABLEAUX.


Voici maintenant les misérables huttes des vilains, agglomérées en hameaux ou plantées au milieu d’un clos, comme