Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/562

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des épices qui le suffoque ; un « prud’homme » qui passe par là, suggère, pour le ressusciter, de lui placer sous le nez une pelletée de fumier :

    Quand cil sent du fiens[1] la flairor
    Les elz oevre, s’est sus sailliz
    Et dist que il est toz gariz.

D’où la conclusion que Ne se doit nul desnaturer : la saleté est l’élément du vilain ; il doit y rester. Aussi bien, il s’y complaît, et son imprévoyance l’y condamne. Pourquoi se permet-il de prendre femme ? Il serait plus à son aise, s’il avait la sagesse de rester seul ; mais ces gens-là ne calculent pas. Il n’a pas épargné dix sous qu’il songe au mariage et qu’il a déjà dit à une fille du pays :

    « Ma douce seur,
    Je vous ainme de tout mon cuer. »

Les voisins commencent à bavarder. Le garçon, disent-ils, gagne sa vie ; il n’est pas débauché ; avec de l’économie ils noueront bien les deux bouts. Cependant le père de la promise, homme sage, hésite à consentir ; il sait bien qu’il n’a pas de quoi constituer une dot convenable, mais la mère « mangerait plutôt du fer et du bois » que de renoncer à l’établissement de la pauvrette avec celui qui l’aime ; elle livre assaut à la chancelante prudence de son mari avec une intarissable et très touchante loquacité :

    Nous li donrons une vakielle
    Et.I. petitet de no terre ;
    J’ai de mes coses entor mi
    De mes napes et de men lin…
    Si vous taisiés d’ore en avant !
    Laissiés m’ent convenir atant.

Le garçon, à qui un sien parent a promis de le loger gratuitement, contracte quelques dettes pour les frais de la noce. Il se marie. Le lendemain, les amis et connaissances viennent apporter leurs humbles cadeaux : vin, pain, un porcelet, deux gélines, peu d’argent ; les commères du voisinage n’évaluent pas

  1. Fumier.