Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/561

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A mal port fussent arivé !
    Ja vilains ne fust tant osé
    Que il un mot osast parler,
    Ne mais por del pain demander
    O por sa patenostre dire.
    Moult eussent en moi mal sire.

Les vilains, au gré des bouffons de leurs maîtres, ne sont pas assez rudement traités. Le « vilain puant » est né d’une incongruité lâchée par un âne. Dieu, qui déteste sa race, l’a donné aux seigneurs pour qu’il les serve silencieusement, taillable et corvéable sans merci. S’il se plaint, qu’on le mette en prison ; s’il a fait quelque économie, qu’on la lui prenne. A-t-il la prétention de manger de temps en temps de bonnes choses ? qu’on l’en empêche :

    Il deussent mangier chardons
    Roinsces, espines et estrain[1],
    Au diemenche por du fain
    Et du pesaz en leur semaine…
    Il deussent parmi les landes
    Pestre avoec les bues cornus,
    A.IIII. piez aler toz nus.

Il faut renoncer à énumérer les vices attribués aux vilains. Ils ressemblent fort, du reste, à ceux dont quelques économistes accusent les humbles pour se dispenser de les plaindre. Vilains ne sont jamais contents, ni de leur excellent patron, ni du bon Dieu :

    Tout li desplet, tout li anuie,
    Vilains het bel, vilains het pluie,
    Vilains het Dieu quand il ne fait
    Quanqu’il[2] commande par souhait.

Ils sont horriblement sales ; l’enfer même, dit Rutebeuf, n’en veut pas, tant ils sentent mauvais. On raconte qu’un vilain, égaré dans la rue des Épiciers, à Montpellier, est tombé à terre, pâmé, avant d’avoir fait deux pas ; c’est le parfum inaccoutumé

  1. Paille de blé ;
  2. Tout ce qu’il.