Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/565

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d’une jeune paysanne sagement réfrénés par l’expérience de son mari :

    Pour cou c’on dist en un reclaim :
    Tant as, tant vaus, et je tant t’aim.

Quant à la bêtise des vilains, elle n’était sûrement pas si profonde que la majorité des auteurs de fableaux affecte de le croire. L’insolence raisonneuse dont on les accuse parfois est même en contradiction avec l’ineptie dont on les déclare atteints[1]. Deux pièces au moins mettent en scène, du reste, des paysans gouailleurs, d’une rude, franche et hardie jovialité, comme la France en a toujours produit. — Un bon seigneur avait annoncé qu’il voulait tenir cour plénière, et régaler tous ceux qui s’y rendraient ; il avait un mauvais sénéchal, avare, félon, qui était désolé de cette générosité. Ledit sénéchal, cherchant à passer sa mauvaise humeur, avise dans la foule de ceux qui sont venus pour profiter de la table ouverte, un

….. vilain

    Qui moult estoit de lait pelain(a) ;
    Deslavez(b) ert, s’ot chief locu(c).
    Il ot bien.L. ans vescu
    Qu’il n’avoit eü coiffe en teste.

(a : Apparence physique ;) (b : sale ;) (c : frisé ;)

Le sénéchal, « courrouciez, souflez et plein d’ire », apostrophe le malencontreux convive :

    « Veez quel louceor(d) de pois,
    Vez comme il fet la paelete(e) !
    Il covient mainte escuelette
    De porée a farsir son ventre…
    Noiez soit en une longaingne(f)
    Qui la voie vous enseigna. »

(d : avaleur ;) (e : faire la paelete, se montrer joyeux ;) (f : fosse d’aisances.)

Le vilain se signe de la main droite : « Je suis venu manger,

  1. Il y a des vilains, dit l’auteur des .XXIII. manières, qui mènent les autres et défendent leurs droits devant le bailli du seigneur : « Sire, au temps mon aïeul et mon bisaïeul, nos vaches furent par ces prés, nos brebis par ces copeis. » Il y en a qui « haïssent Dieu, sainte Église et toute gentillesse ».