Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/567

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renfort ; il envoie saint Thomas et saint Paul, qui reçoivent aussi leur paquet :

    Dist li vilains : « Danz Pols li chaus(a),
    Estes vos or si acoranz(b),
    Qui fustes orribles tiranz.
    Seinz Etienes le compara
    Que vos feïstes lapider…
    Haï, quel seint et quel devin !
    Cuidiez que je ne vous connoisse ? »

(a : Le chauve ;) (b : sensible ;)

Enfin, Dieu le Père arrive en personne ; mais le redoutable disputeur n’est nullement interloqué, il plaide en ces termes :

    « Tant com mes cors vesqui el monde
    Neste vie mena et monde(c).
    As povres donai de mon pain…
    Les ai a mon feu eschaufez…
    Ne de braie ne de chemise
    Ne leur laissai soffrete avoir ;
    Et si fui comfes vraiement
    Et reçui ton cors dignement.
    Qui ainsi muert l’en nos sermone
    Que Dieus ses pechiez li pardone…
    Vos ne mentirez pas por moi. »
   — « Vilains, dist Dieu, or ge l’otroi.
    Paradis as si desresnié(d)
    Que par plaidier l’as gaaingnié.
    Tu as esté a bone escole,
    Tu sez bien conter ta parole.

(c : propre ;) (d : plaidé.)

L’honnête et simple vilain, bafoué par la société du moyen âge, a gagné sa cause devant Dieu.

CH.-V. LANGLOIS, dans la Revue politique et littéraire, 22 août 1891.