Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/58

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beaucoup la plus corrompue : c’est un tort, il est encore plus dur pour les chrétiens que pour elle. Il nous fait voir que les vices de la vieille société avaient passé dans la nouvelle, sans presque changer de forme, qu’on ne pouvait pas toujours distinguer la vierge et la veuve qui avaient reçu les enseignements de l’Église de celles qui étaient restées fidèles à l’ancien culte, qu’il y avait des clercs petits-maîtres, des moines coureurs d’héritages, et surtout des prêtres parasites qui allaient tous les jours saluer les belles dames : « Il se lève en toute hâte, dès que le soleil commence à se montrer, règle l’ordre de ses visites, choisit les chemins les plus courts, et saisit presque encore au lit les dames qu’il va voir. Aperçoit-il un coussin, une nappe élégante ou quelque objet de ce genre, il le loue, il le tâte, il l’admire, il se plaint de n’avoir chez lui rien d’aussi bon, et fait si bien qu’on le lui donne. Où que vous alliez, c’est toujours la première personne que vous rencontrez ; il sait toutes les nouvelles ; il court les raconter avant tout le monde ; au besoin il les invente, ou, dans tous les cas, il les embellit à chaque fois d’incidents nouveaux. » N’est-ce pas là comme une première apparition de l’abbé du XVIIIe siècle ?

Il y a donc des raisons de ne croire qu’à moitié saint Jérôme et Ammien ; et même quand on les croirait tout à fait, leur témoignage semble moins accablant pour leur siècle qu’on ne l’a prétendu. Dans tous les cas, les lettres de Symmaque[1] en donnent une meilleure opinion, et je m’y fie d’autant plus volontiers qu’il n’a pas prétendu juger son temps et faire un traité de morale, ce qui amène toujours à prendre une certaine attitude. Il dit naïvement ce qu’il pense, se montre à nous comme il est et dépeint les gens sans le savoir. Ses lettres sont d’un honnête homme, qui donne à tout le monde les meilleurs conseils. A ceux qui gouvernent des provinces épuisées par le

  1. Symmaque (Q. Aurelius Symmachus) avait occupé les plus hautes fonctions de l’empire ; il avait été questeur, préteur, pontife, gouverneur de plusieurs grandes provinces, préfet de la ville et consul ordinaire. C’était un lettré fort distingué, un orateur célèbre, qu’on mettait à côté et quelquefois au-dessus de Cicéron…. Païen convaincu, ce qui l’attachait surtout au culte des aïeux, c’est qu’en toute chose il aimait le passé ; les anciens usages lui étaient tous également chers….