Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/75

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du VIe siècle, emprisonnée dans les formules d’un code minutieux de croyances, n’a plus rien à désirer, rien à chercher : elle est frappée d’inertie. Un chrétien comme saint Paul, dont l’esprit était occupé par quelques grandes idées, et dans le cœur duquel bouillonnait l’amour de Dieu, ne croyait jamais avoir fait assez pour obéir à sa mission divine ; le monde, qu’il embrassait d’un regard et qu’il parcourait d’un pas leste, était trop étroit pour lui. Quelle différence entre lui et ce pape, son successeur, qui lime gravement, et non sans effroi, les prétendues chaînes du plus grand des apôtres !

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La religion, telle que l’histoire l’avait faite, se retrouve dans l’âme du plus grand personnage ecclésiastique des temps mérovingiens, l’évêque Grégoire de Tours : la dignité de sa vie, sa charité, sa bonté, sont comme la survivance du divin dans la décadence de l’Église ; mais quelles misères dans cet esprit et quel désordre dans cette conscience ! Grégoire a du bon sens, même de la finesse ; il a du jugement, mais il a reçu de ses maîtres une éducation insuffisante, et l’éducation générale, si puissante dans ses effets, que donne aux intelligences la façon d’être du temps où elles vivent, était, au VIe siècle, détestable et funeste. Grégoire n’a point de culture philosophique et il n’a qu’une très médiocre culture littéraire : il ne sait pas du tout la langue grecque, et il sait mal la langue latine ; il se console, il est vrai, de sa « rusticité », en pensant qu’elle le rend intelligible aux rustiques, et nous lui pardonnons de grand cœur solécismes et barbarismes ; mais, comme l’intelligence d’un contemporain d’Auguste et de Louis XIV reflète la belle ordonnance des choses, ainsi le désordre des institutions et des mœurs trouble ce contemporain de Chilpéric : le même homme qui ne comprend pas la logique d’une syntaxe voit confusément les relations des idées entre elles, ne mesure pas la proportion des faits, grossit les petits et passe sur les grands à la légère. Il aurait pu être, à une autre date, un écrivain de goût et d’esprit, et, s’il trébuche dans ses livres, s’il s’arrête tout affairé