Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/74

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des cultes cet échange de services entre le ciel et les hommes qui était un des caractères du paganisme.

La morale chrétienne s’est donc accommodée à la faiblesse de l’homme. Il ne faut point voir là matière à sarcasme ni à déclamations. Toute religion est un effort de l’homme vers Dieu, une transition de l’humain au divin, ou, si l’on croit que le divin est répandu dans la nature et pensé par l’homme, toute religion est une manifestation du divin dans l’homme. Si haute qu’ait été la conception première, l’homme fait valoir les droits de son infirmité naturelle et il demeure soumis à l’empire des habitudes acquises. La conception de la religion chrétienne était trop haute, car c’est un monde surnaturel qui vit dans l’Évangile : à peine y est-on averti de la présence de la terre ; les pieds du Sauveur y glissent comme sur les flots qui ont porté sans fléchir son corps impondérable ; le Christ semble toujours près de s’élever au ciel. Pour vivre avec lui, il faut avoir quitté tout ce qui est de la terre : famille, amis, maison, même le travail, et se confier à Dieu qui nourrit l’oiseau et revêt de splendeur le lis qui ne file point. Une seule lecture transporte l’homme dans une indécise région idéale, aux confins de l’humain et du divin, c’est la lecture de l’Évangile. Mais combien d’esprits peuvent habiter l’idéal ? Combien de temps les plus élevés y peuvent-ils demeurer ? Dans les carrefours des villes juives, grecques ou romaines, dans les campagnes cultivées par les esclaves, sur les chaises curules, dans les atria, dans les ateliers, dans les cabanes vivait l’humanité vraie, d’où le Christ avait tiré douze apôtres, parmi lesquels se sont rencontrés un traître et des pusillanimes, car le disciple bien-aimé se trouva seul au pied de la croix. L’humanité vraie prit de la religion du Christ ce qu’elle en put comprendre ; elle fit effort pour s’élever jusqu’à elle, mais elle l’abaissa aussi à sa portée. Nul doute que, le compte fait de toutes les superstitions et de toutes les erreurs, elle demeura meilleure qu’elle n’était auparavant : la foi et la morale chrétienne, même altérées, furent bienfaisantes ; mais l’Église, qui n’a pu empêcher ces altérations, qui les a même acceptées, provoquées ou aggravées, ne pouvait plus avoir l’énergique activité des premiers jours. L’intelligence d’un chrétien