Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/81

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ventre aussi bien que la scammonée, le poumon aussi bien que l’hysope, tu purges la tête aussi bien que le pyrèthre ! »

Telle était la religion de Grégoire de Tours : croyance au dogme littérale et sans examen, observance minutieuse des pratiques de dévotion, superstition répugnante. Certes Grégoire vaut mieux que cette religion qui s’est imposée à son esprit. Par moments, il fait effort pour s’en dégager et s’élever jusqu’à Dieu : il y arrive sans trop de difficultés, conduit et porté par les saints. Il a une conception très belle du rôle des saints dans le monde, et il l’exprime avec une éloquence toute chaude d’une inspiration sacrée. « Le prophète législateur, après qu’il a raconté comment Dieu déploya le ciel de sa droite majestueuse, ajoute : Et Dieu fit deux grands luminaires, puis les étoiles, et il les plaça dans le firmament du ciel afin qu’ils présidassent au jour et à la nuit. De même Dieu a donné au ciel de l’âme deux grands luminaires, à savoir le Christ et son Église, afin qu’ils brillassent dans les ténèbres de l’ignorance ; puis il y a placé des étoiles, qui sont les patriarches, les prophètes et les apôtres, afin qu’ils nous instruisent de leurs doctrines et nous éclairent par leurs actions merveilleuses. A leur école se sont formés ces hommes que nous voyons, semblables à des astres, briller de la lumière de leurs mérites, resplendir de la beauté de leurs enseignements : ils ont éclairé le monde des rayons de leur prédication, car ils sont allés de lieu en lieu, prêchant, bâtissant des monastères pour les consacrer au culte divin, apprenant aux hommes à mépriser les soins temporels et à se détourner des ténèbres de la concupiscence pour suivre le vrai Dieu. » Par un bienfait de sa naissance et de son éducation, Grégoire a connu et il a aimé quelques-uns de ces continuateurs des patriarches et des apôtres. Il est d’une famille de saints : le bisaïeul de sa mère est saint Grégoire, évêque de Langres, qui « eut pour fils et successeur Tetricus », doublement successeur, car Tetricus fut à la fois évêque de Langres et saint. Saint Nizier, l’évêque de Lyon, était l’oncle maternel de Grégoire, qui, dans son enfance, alors qu’il apprenait à lire, couchait avec le vénérable vieillard : à sa mort il reçut une précieuse relique, une serviette dont les fils détachés suffisaient à faire de grands miracles. Du