Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/88

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la chaire, racontait ces miracles ; c’étaient des plumes ecclésiastiques qui en perpétuaient le souvenir. Comment les simples fidèles ne se seraient-ils pas imaginé que la puissance vénale des êtres célestes pouvait être requise même pour le mal ? Mummole, un de ces Romains dont on cite l’exemple pour prouver que les Romains ne le cédaient point aux Francs en fait de passions mauvaises, apprend qu’Euphronius, marchand syrien établi à Bordeaux, possède des reliques de saint Serge. Or on rapportait qu’un roi d’Orient, qui avait attaché à son bras droit un pouce de ce saint, n’avait qu’à lever le bras pour mettre ses ennemis en déroute. Mummole se rend chez Euphronius et, malgré les prières du vieillard, qui lui offre 100, puis 200 pièces d’or, il fait ouvrir la châsse par un diacre qu’il avait amené, prend un doigt du saint, y applique un couteau, frappe jusqu’à ce qu’il l’ait brisé en trois morceaux, et, après s’être mis en prière, en emporte un. « Je ne crois pas, dit Grégoire, que cela ait fait plaisir au bienheureux » ; mais c’était le moindre souci de Mummole : il croyait s’être acquitté envers saint Serge par ces parodies qu’il avait faites d’agenouillement et de prières, et ne doutait pas de l’efficacité du talisman. Ainsi pensait Chilpéric, qui, ayant violé la parole donnée à ses frères en s’emparant de Paris, entra dans la ville, précédé de reliques qui devaient le mettre à l’abri de tout mal. Frédégonde fit mieux encore. Lorsqu’elle embaucha deux sicaires pour l’assassinat de Sigebert, elle leur dit : « Si vous revenez vivants, je vous honorerai vous et votre lignée ; si vous périssez, je répandrai pour vous des aumônes dans les lieux où les saints sont honorés. » Elle ne doutait pas que les saints, bien payés par elle, ne fissent dans l’autre monde à ces deux misérables les bons offices qu’elle leur promettait s’ils échappaient à la punition de leur crime.

Grégoire nous fait connaître nombre de personnages dont il nous cite les paroles et nous conte les moindres actions ; grâce à lui, nous vivons dans leur intimité : trouvons-nous parmi eux un seul homme duquel on puisse dire qu’il soit un chrétien ? Sera-ce Gontran, cet homme « d’une sagesse admirable », et qui avait l’air « non seulement d’un roi, mais d’un prêtre du