Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/89

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Seigneur » ? De son vivant même, il faisait des miracles. Une pauvre femme, dont le fils était mourant, se glisse un jour à travers la foule jusqu’à lui, détache de son vêtement des franges et les infuse dans une coupe d’eau qu’elle fait boire au malade : le malade guérit. Quel chrétien était donc ce miraculeux personnage ? Il s’est complu en la compagnie de concubines ; il a commis un certain nombre d’actions atroces ; par exemple, à la mort d’une de ses femmes, il a fait périr les deux médecins qui l’avaient soignée sans la guérir. Un jour, en chassant dans les Vosges, il trouve une bête tuée ; il interroge le garde-chasse, qui dénonce le chambellan Chundo. Celui-ci niant le méfait, le duel est ordonné. Deux champions sont choisis : celui de l’accusé, qui était son propre neveu, a le ventre percé d’un coup de couteau au moment où il se mettait en devoir d’achever son adversaire qu’il avait renversé. Chundo, se voyant condamné, s’enfuit vers la basilique de Saint-Marcel, mais Gontran crie qu’on l’arrête avant qu’il atteigne le seuil sacré, et, sitôt qu’il a été saisi, le fait lapider. Le même prince a commis maints parjures, et nulle parole n’était plus incertaine que la sienne ; mais il était, à tout prendre, moins méchant que les autres rois, et il avait des goûts ecclésiastiques : il se plaisait en la compagnie des évêques, les visitait, dînait avec eux. Il aimait les cérémonies religieuses, sur l’effet desquelles l’Église comptait pour surprendre et charmer les Barbares, qui, éblouis par l’éclat des luminaires, respirant à pleines narines l’odeur des parfums, écoutant les chants des prêtres et mis en recueillement par la célébration des mystères, se croyaient transportés au paradis. Gontran paraît avoir été surtout amateur de chant. Un jour qu’il avait à sa table plusieurs évêques, il pria Grégoire de faire chanter un psaume par un de ses clercs, puis il demanda successivement à tous les évêques d’en faire autant, et chacun de son mieux chanta son psaume. Le « bon roi » avait une autre vertu, qui était son respect pour la personne des évêques : comment n’aurait-il pas craint de leur déplaire ? Un jour, il a fait emprisonner un évêque de Marseille, et la Providence divine lui a envoyé une maladie pour le punir. Une autre fois, il a enfermé dans un couvent Salone et Sagittaire pour