Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/93

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n’est pas autorisé à dire : Ceci est romain, cela est germanique, et le mélange a produit la société mérovingienne. Une pareille méthode oublie quelque chose, qui est l’histoire, c’est-à-dire une rencontre de faits et de circonstances qui produisent le nouveau. Cette réserve faite, il est certain que Clovis et ses fils, très confusément, sans en avoir délibéré, par la fatalité des circonstances, ont suivi tantôt les sentiments et les habitudes germaniques, tantôt les errements du pouvoir impérial.

La royauté germanique n’était pas faible au point de n’avoir pas d’avenir. Sans doute, le peuple faisait les affaires ordinaires au village ou dans la centenie et les grandes affaires dans le concilium ; le roi ne commandait à la guerre qu’après que le peuple l’avait décidée ; il ne faisait exécuter le jugement qu’après que le peuple l’avait prononcé ; mais un personnage unique est toujours considérable dans un État simple, où l’on n’a point l’idée des sinécures et dont la constitution toute primitive ne prévoit pas tous les besoins. Les Germains n’étaient point des sauvages ; ils avaient un droit qui réglait les relations des hommes entre eux : l’observance du droit, c’était l’état de paix ; or, c’était le roi qu’ils chargeaient de faire observer le droit et d’assurer la paix. Ils lui donnaient ainsi la haute fonction d’un protecteur de son peuple. Les Germains d’ailleurs obéissaient à cet instinct naïf qui pousse les hommes à élever au-dessus du commun la personne de leur chef afin de s’expliquer à eux-mêmes leur obéissance : ils croyaient que leurs rois descendaient de leurs dieux. La famille royale était trop mêlée au peuple et on la voyait de trop près pour que le roi fût l’objet d’un culte à la façon des monarques orientaux, et il arriva plus d’une fois que l’on crut pouvoir se passer de lui : ainsi les Hérules massacrèrent un jour leurs princes et ils essayèrent de vivre sans roi, mais ils se repentirent bien vite, et alors, ne croyant point qu’il leur fût permis d’élever le premier venu à la dignité suprême, ils envoyèrent des ambassadeurs dans une île lointaine où s’était établie une de leurs colonies, afin qu’ils ramenassent un membre de la famille sacrée. Chez d’autres peuples, la personne auguste a été souvent maltraitée : les Burgondes tuaient leur roi quand ils avaient été battus ou que la moisson avait été mauvaise,