Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/94

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mais cela prouve qu’ils lui prêtaient la puissance de vaincre leurs ennemis et les éléments, comme font ces paysans qui fustigent la statue d’un saint pour le punir de n’avoir pas veillé sur la récolte. La preuve que le roi était en dehors et au-dessus du droit commun, c’est que sa vie n’était pas estimée, à l’exception d’une seule loi barbare, dans le tarif du wergeld : on la croyait trop précieuse pour être évaluée en argent. Le roi anoblissait, pour ainsi dire, ce qu’il touchait ; sa faveur élevait un homme libre au-dessus de ses concitoyens et même un esclave au-dessus d’un homme libre ; devenir le convive du roi, cela triplait la valeur d’un homme. Protecteur de tout son peuple, le roi pouvait accorder une protection particulière à des personnes, qui devenaient tout de suite privilégiées. Son autorité, bien qu’elle fût contredite et limitée par toutes sortes de résistances, n’était donc pas définie nettement ; il s’y mêlait une sorte de droit vague que les circonstances pouvaient faire redoutable.

Le princeps romain n’est pas comme le roi germanique au début d’une histoire : son pouvoir est la conclusion de la longue histoire de la cité romaine. En aucun temps, cette cité n’a ressemblé au petit État germanique appelé civitas par les écrivains latins, qui ont l’habitude d’assimiler les institutions étrangères et les leurs, alors même que l’assimilation n’est pas légitime. Il est vrai qu’en Germanie comme à Rome le point de départ de l’organisation politique a été la famille, mais le passage de la famille à l’État s’est fait très vite dans l’étroite enceinte de la cité romaine : il ne s’est jamais achevé chez les paysans germains, disséminés en maisons isolées ou répartis dans de vastes villages. Le peuple germanique a gardé le désordre d’une organisation incomplète, au lieu qu’à Rome a régné la discipline de l’imperium, c’est-à-dire du pouvoir absolu exercé par le magistrat au nom et pour le service de la respublica : ces deux termes, en effet, que la langue moderne oppose l’un à l’autre, se complètent l’un par l’autre, la respublica étant le lieu idéal où s’exerce l’imperium. Le magistrat romain a d’abord été unique et viager et s’est appelé le roi. La magistrature a été partagée ensuite entre les deux consuls, puis le consulat s’est démembré ;