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PRÉFACE.

quelques philosophes, montraient contre l’Asie un antagonisme persévérant. Les Hébreux s’étaient isolés dans l’aversion de leurs contemporains polythéistes. Les Égyptiens eux-mêmes n’estimaient que leurs propres mœurs, et les traditions sévères et grandioses qui relataient les vicissitudes de leur empire. Tous les peuples antiques, y compris les Indiens, se méfiaient de l’étranger, et le traitaient en ennemi. Ce n’est que dans des temps relativement modernes, ce n’est surtout que d’après l’influence extensive du christianisme, qu’on voyagea au loin, qu’on s’enquit des mœurs, et qu’on apprit les langues des pays, inconnus. De là ces études entreprises d’abord au nom de la religion, continuées ensuite au nom de la science. Alors seulement on songea à ces histoires universelles qui ne dédaignent aucun peuple, et portent une lumière investigatrice sur toutes les races et sur tout leur passé. L’érudition a hérité de ces travaux, et les a poussés plus profondément encore. Les progrès des Indianistes sont même tellement considérables qu’il semble utile de les résumer pour les propager, et pour en tirer une instruction qui changera peut-être un jour le rang des nations. Désormais les Aryas et les Chinois disputeront en valeur et en célébrités de toutes sortes avec les Égyptiens et les Hébreux, et nous trouverons entre-eux des rapports secrets qui expliquent leur origine et agrandissent leur mission. L’Arabe sous sa tente, le Babylonien dans ses murs de briques, le Phénicien sur ses navires, l’Iduméen sur ses chameaux ont vécu sous l’œil de Dieu, aussi bien que les prêtres du Sapta-Sindhou, les conquérants de l’Indoustan, les colonisateurs de l’Iran, et les fertilisateurs des vastes deltas de l’extrême Orient.

Tous les anciens ont été poétiques dans l’expression de leurs idées, et quand ils n’ont pas manié le poinçon des fils de Cham, le kalem des fils de Sem, ou le pinceau des fils de Japhet, c’est avec la truelle, l’équerre et le ciseau qu’ils ont marqué leur passage sur la terre. Voyez ces montagnes de briques qui témoignent de la puissance ingénieuse de Babylone, ces sculptures colossales de Nimroud et de Khorsabad, et ces monuments magnifiques que les déserts de l’Égypte et de la Nubie nous offrent comme des miracles d’exécution. Partout l’homme a chanté la majesté de Dieu et la grandeur de la nature sur la pierre, sur la brique, sur le marbre comme sur le papyrus, et son sentiment primordial a été l’admiration, son rêve l’extase, son langage la poésie.

Voir et admirer sont synonymes chez les groupes primitifs ; le soleil suffit à leur admiration, et son absence les terrifie tout d’abord, de même que son retour les rassure. La nature leur explique le créateur, ou plutôt la parole divine vibre en eux comme les cordes de la lyre après le toucher de l’artiste. Or, il est naturel de ne croire d’abord qu’à un dieu unique, car l’unité fait l’omnipotence, et l’esprit ne s’adresse volontiers qu’à un seul maître. Plus