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[Lect. III.]
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RIG-VÉDA. ― SECTION PREMIÈRE.

maître des holocaustes ; toi qui nous réjouis par le don de la richesse, et qu’a fêté le Canwa Médhyâtîthi[1] ; toi qu’honorent le généreux (père de famille) et ceux qui chantent des hymnes !

11. Cet Agni, que le Canwa Médhyâtîthi alluma jadis, nos offrandes viennent de le faire briller au foyer du sacrifice. Que nos chants s’élèvent pour célébrer la grandeur d’Agni !

12. Toi qui reçois nos offrandes, comble-nous de biens ; car tu es l’ami des dieux, Agni. Tu es le roi de l’abondance la plus renommée. Fais notre bonheur, toi qui as la puissance.

13. Lève-toi donc, et sois notre protecteur, non moins que le divin Savitri. Lève-toi pour nous accorder l’abondance, à nous qui, par les hymnes de nos prêtres, invoquons ton appui.

14. Lève-toi, et sois notre guide pour nous sauver du mal. Brûle tous nos ennemis, fais que nous nous levions également pour agir et pour vivre. Fais agréer aux dieux nos sacrifices.

15. (Dieu) jeune et resplendissant, Agni, sauve-nous du Râkchasa ; sauve-nous du méchant, étranger à toute générosité ; sauve-nous de l’ennemi cruel, et de celui qui veut notre mort.

16. Comme (le guerrier) armé d’une massue, accable de tout côté nos vils adversaires, ô toi qui es entouré de rayons brûlants ! Ne souffre pas que nous ayons pour maître le mortel qui nous hait, et qui aiguise ses traits contre nous.

17. Ce n’est pas (en vain) qu’on a demandé à Agni la richesse qui procure la force. Agni a donné le bonheur à Canwa ; il a sauvé Médhyâtîthi et ses amis ; il a comblé de ses biens (le mortel) qui le glorifie.

18. Nous appelons à notre sacrifice, de la région lointaine (où ils séjournent maintenant), Tourvasa, Yadou et Ougradéva. Qu’ils viennent avec Agni ; que ce dieu, vainqueur du Dasyou, amène aussi Navavâstwa, Vrihadratha et Tourvîti[2].

19. Agni, c’est Manou qui, pour le bonheur de race à jamais bénie, a constitué ton foyer lumineux. Tu as lui pour Canwa, ô (dieu) né au foyer du sacrifice ; et arrosé (du beurre consacré), tu obtiendras toujours le respect des mortels.

20. Les rayons d’Agni sont brillants, forts, redoutables. Il est difficile d’en approcher. Daigne réduire en cendres les mauvais génies[3], doués d’une force (funeste), et tous les (ennemis de notre bonheur).


HYMNE V.

Aux Marouts, par Canwa.[4].

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Enfants de Canwa, célébrez la puissance des Marouts que transporte un char brillant, (puissance) rapide et inattaquable dont vous ressentez les effets.

2. Ils viennent de naître, brillants de leur propre éclat. (Voyez-vous) leurs armes, leurs parures, leur char traîné par des daims ? (entendez-vous) leurs clameurs ?

3. Écoutez, c’est le bruit du fouet qu’ils tiennent dans leurs mains ; c’est le bruit qui, dans le combat, anime le courage.

4. À cette troupe (divine), qui détruit vos ennemis, noble, forte et glorieuse, offrez la part d’hymnes et de sacrifices que lui accordent les Dévas.

5. Loue donc cette puissance des Marouts, invulnérable et rapide, qui règne au milieu des vaches (célestes), et ouvre avec force (leurs mamelles pour en faire couler) le lait[5].

6. Parmi vous qui remuez si puissamment le ciel et la terre, qui agitez celle-ci comme la cime (d’un arbre), quel est le plus vigoureux ?

7. Contre votre marche impétueuse et terrible, l’homme ne peut résister ; les collines et les montagnes s’abaissent devant vous.

  1. Le texte porte Médhyâtîthi ; je crois que c’est le même que Médhâtîthi, fils de l’ancien Canwa. On dit aussi que Médhâtîthi et Médhyâtithi sont deux frères, fils de Canwa.
  2. Cette strophe renferme les noms de plusieurs personnages appelés râdjarchis. Yadou est un des cinq fils d’Yayâti, cinquième roi de la race lunaire. Tourvasou, appelé ici Tourvasa, était son frère. Je ne sais rien d’Ougvadéva ni des autres. Cette histoire antique cite plusieurs Vrihadrathas. Je pense que la mémoire de ces princes, renommés pour leur piété, est ici évoquée par le poète reconnaissant ; leurs mânes sont invités à venir siéger au sacrifice.
  3. Ces mauvais génies portent ici le nom d’Yâtoumâvân ; plus haut, au vers 10 de l’hymne précédent, c’était Yâtoudhânan.
  4. Ce Canwa, dont le nom est cité dans le cours de l’hymne, est-il le même que celui dont nous avons parlé, lecture i, note 1, col. 2, page 48 ? Le mot Ghora, qui signifie terrible, et qui est le nom de son père, peut avoir quelque analogie de sens avec le mot Apratiratha, qui implique l’idée d’invincible. Cependant je pense qu’il faut distinguer le fils de Ghora et le fils d’Apratiratha ; que ce dernier est un ancien Canwa, souche d’une famille sacerdotale, et père de Médhâtîthi ou Médhyâtîthi, ici mentionné, et que le fils de Ghora est un membre moins ancien de la famille des Canwas, lequel rappelle, dans cet hymne un des titres d’honneur de son aïeul. Le commentateur dit quelque part que le fils de Ghora devint fils de son propre frère Canwa.
  5. Ces vaches, comme nous le savons, ce sont les nuages ; leur lait, c’est la pluie.