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[Lect. III]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

8. Sous vos pas redoutables, la terre tremble de crainte, telle qu’un roi accablé par l’âge.

9. Le lieu de votre naissance est ferme et stable[1] ; vous pouvez, du sein de votre mère, vous élancer, tels que des oiseaux ; car, des deux côtés, est un élément solide.

10. Ces (dieux) répandent le son comme on répand la libation. Leur souffle étend les voies du ciel ; (l’eau tombe), et la vache (en s’y désaltérant) y entre jusqu’aux genoux.

11. (Voyez-vous) ce long et large (nuage), fils de l’onde (qui s’y amoncelle) ? (Il semble) invulnérable. (Les Marouts) savent le chemin par lequel on arrive jusqu’à lui pour l’ébranler.

12. Ô Marouts, puisque vous avez la force, faites-la sentir aux hommes, faites-la sentir aux collines.

13. Quand les Marouts sont en marche, le chemin retentit de leur voix : chacun les entend.

14. Accourez, portez ici vos pas rapides. Les enfants de Canwa vous attendent avec leurs offrandes ; ici vous serez satisfaits.

15. Agréez notre sacrifice, car nous vous sommes dévoués. Daignez nous assurer une longue existence.


HYMNE VI.

Aux Marouts, par Canwa.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Ô vous qui aimez nos hymnes, qui vous plaisez sur notre cousa, quand viendrez-vous nous prendre dans vos bras, comme un père (prend) son enfant ?

2. Où êtes-vous maintenant ? Quand arriverez-vous ? Venez de la terre comme du ciel. (N’entendez-vous pas les hommes) soupirer après vous, comme les vaches (après le pâturage) ?

3. Ô Marouts, où sont les biens nouveaux (que nous allons tenir de vous) ? où sont vos trésors ? où sont toutes vos félicités ?

4. Fils de Prisni, quand vous ne seriez pas immortels, (faites toutefois) que votre panégyriste jouisse d’une longue vie.

5. Que l’homme qui chante vos louanges ne soit pas comme la (faible) biche sur le gazon ; qu’il n’aille pas tristement fouler le chemin d’Yama.

6. Que jamais Nirriti[2] si redoutable par sa force, Nirriti l’insurmontable, ne vienne nous frapper ; qu’elle tombe avec la soif (qu’elle a causée).

7. Oui, c’est la vérité : ces (dieux) forts et resplendissants, dont Roudra est le chef, peuvent, sur un sol desséché, faire tomber la pluie sans l’accompagner de vent.

8. Tel que la vache, le tonnerre mugit ; comme le veau est suivi de sa mère, (les Marouts sont suivis) de la foudre, et par eux la pluie sort (du nuage).

9. Les Marouts, même pendant le jour, forment une espèce de nuit avec le nuage qui transporte les ondes et qui fond sur la terre.

10. Le bruit des Marouts a retenti, et aussitôt toute demeure sur la terre, les hommes même, ont tremblé.

11. Ô Marouts, dont la main est forte et la marche infatigable, venez ici près de ces rivières aux bords agréables.

12. Que vos roues, que vos chars, que vos chevaux soient fermes ; que leurs harnais soient éclatants de lumière.

13. Allons, élève la voix pour célébrer Agni, (qui est) Brahmanaspati[3], et qui ne brille pas moins que Mitra.

14. Que les vers harmonieux sortent de ta bouche, et se répandent comme une (douce) pluie. Chante l’hymne religieux.

15. Célèbre la troupe des Marouts, brillante, digne d’éloges et de respects. Qu’ici, dans ce sacrifice, ils reçoivent nos hommages.


HYMNE VII.

Aux Marouts, par Canwa.

(Mètre : Vrihatî.)

1. Ô Marouts, lorsque de la région lointaine (où vous habitez), comme un rayon lumineux, vous lancez votre souffle puissant, quel est l’homme dont le sacrifice, dont l’hymne vous attire ? quelle maison, ô dieux terribles, quel mortel visitez-vous ?

2. Que vos traits soient solides pour repousser nos ennemis, fermes pour les arrêter ; que votre force soit digne de louange, et ne ressemble

  1. Le lieu de la naissance des Vents est la terre ; considérée comme leur mère, la terre porte le nom de Prisni. Voir lecture ii, note 5, col. 1, page 3. L’air, placé entre le ciel et la terre, reçoit les Vents.
  2. Voy. lecture ii. note 4, col. 2, page 14. Nirriti, déesse du mal, me semble être ici la Maladie ; la soif dont il est question, doit être celle de la fièvre. Voy. lecture i, note 1, col. 1, page 10.
  3. Le poète emploie ici le mot sloca pour désigner toute espèce de vers.