Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/60

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Il semble donc qu’il n’y ait pas de réponse générale à la question posée au commencement de ce chapitre : en quoi doit consister l’apprentissage technique de l’érudit ou de l’historien ? — En quoi consiste l’apprentissage technique de l’érudit ou de l’historien ? Cela dépend. Cela dépend de la partie de l’histoire qu’il se propose d’étudier. Inutile de savoir la paléographie pour faire des recherches relatives à l’histoire de la Révolution, ni de savoir le grec pour traiter un point de l’histoire de France au moyen âge[1]. Posons du

    prît, sans trop de peine, deux langues modernes, outre sa langue maternelle. Voilà une obligation dont les érudits d’autrefois étaient dispensés (alors que le latin était encore la langue commune des savants) et que les conditions modernes du travail scientifique feront peser désormais de plus en plus lourdement sur les érudits de tous les pays *.
       Les érudits français qui sont incapables de lire ce qui est écrit en allemand et en anglais sont constitués par là même en état d’infériorité permanent par rapport à leurs confrères, plus instruits, de France et de l’étranger ; quel que soit leur mérite, ils sont condamnés à travailler avec des éléments d’information insuffisants, à travailler mal. Ils en ont conscience. Ils dissimulent leur infirmité de leur mieux, comme quelque chose de honteux, à moins qu’ils ne l’étaient cyniquement, et s’en vantent ; mais s’en vanter, c’est encore, on le voit bien, une manière d’en avoir honte. — Nous ne saurions trop insister ici sur ce point que la connaissance pratique des langues étrangères est auxiliaire au premier chef de tous les travaux historiques, comme de tous les travaux scientifiques en général.

    * Un jour viendra peut-être où la connaissance de la principale des langues slaves sera nécessaire : il y a déjà des érudits qui s’imposent d’apprendre le russe. — L’idée de rétablir le latin dans son ancienne dignité de langue universelle est chimérique. Voir la collection du Phœnix, seu nuntius latinus internationalis (Londres, 1891, in-4).

  1. Lorsque les « sciences auxiliaires » furent mises, pour la première fois, chez nous, dans les programmes universitaires, on vit des étudiants qui s’occupaient de l’histoire de la Révolution et qui ne s’intéressaient nullement au moyen âge, adopter, comme « science auxiliaire », la Paléographie, et des géographes, qui ne s’intéressaient nullement à l’antiquité, l’Épigraphie. Ils n’avaient sûrement pas compris que l’étude des « sciences