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Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/71

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Ce n’est pas seulement auprès des rois que l’ambition se façonne à l’intrigue et à la flatterie. En ouvrant le champ à la lutte des factions et en laissant les chefs de parti accaparer successivement le pouvoir, la Révolution n’avait fait que généraliser le métier de courtisan. Jamais l’exercice des assouplissements ne fut plus pénible ; jamais aussi l’art n’en fut poussé plus loin. Les Mémoires du temps nous ont appris à quels manèges de basse courtisanerie durent se plier des hommes comme Bonaparte. Avec plus ou moins de servilité, tous ont passé par là. À peine y échappait-on en cachant sa vie et en se faisant oublier ; nul, à coup sûr, ne s’est élevé ou seulement maintenu aux emplois sans s’être assujetti à cette nécessité de plier le genou devant les divers maîtres que fit surgir chaque crise gouvernementale.

Mais la condition première, indispensable, fut de rester toujours bien noté dans les clubs ; de se tenir à l’unisson de ce qu’on appelait le patriotisme. On hurlait avec les loups pour ne pas être dévoré ; on hurlait plus fort que les loups pour sortir de la bande ou la dominer. Les tirades sur la liberté, le pathos jacobin étaient la seule monnaie ayant cours ; quiconque voulait circuler, agir, les conspirateurs aussi bien que les ambitieux, étaient forcés de s’en servir : juger les sentiments des hommes de ce temps d’après l’usage qu’ils en ont fait dans leurs professions de foi, leurs ordres du jour, leur correspondance publique et même privée, équivaudrait à juger les opinions des gens d’après l’effigie des écus avec lesquels ils payent leurs dépenses. Si Bonaparte était mort le 18 brumaire an VIII (comme le fait mourir