Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/122

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théorie, quoique imparfaite, est un monument de son génie. Il considère une ligne indéfinie de molécules aériennes, et, en la supposant primitivement ébranlée dans une petite étendue, il détermine, dans une hypothèse particulière d’ébranlement, la manière dont cet ébranlement se propage et le temps qu’il emploie à parvenir à une distance quelconque de son origine, ce qui lui donne la vitesse horizontale du son ou l’espace qu’il parcourt dans une seconde sexagésimale, espace qu’il trouve égal à la racine carrée du produit du double de la hauteur dont la pesanteur fait tomber les corps dans la première seconde par la hauteur d’une colonne d’air qui ferait équilibre à la colonne de mercure du baromètre et qui aurait partout la même densité qu’au bas de la colonne. Le raisonnement par lequel Newton établit ce théorème a paru généralement obscur aux géomètres. Quelques-uns même l’ont trouvé inexact, parce que, en l’appliquant à des ébranlements primitifs, physiquement impossibles, ils sont parvenus à la même expression de la vitesse. MaisLagrange a fait voir que cela tenait aux fonctions arbitraires introduites par l’intégration des équations aux différences partielles du mouvement de l’air, fonctions d’une telle nature qu’il en résulte la même expression de la vitesse du son. Ainsi l’objection faite au raisonnement de Newton, loin d’en montrer l’inexactitude, en prouvait la généralité. Lagrange est le premier qui ait déduit cette expression des équations analytiques aux différences partielles de ce mouvement. Euler et lui ont étendu leurs recherches au cas où l’air a trois dimensions, et ils ont trouvé que la vitesse est la même que dans le cas d’une seule dimension. J’ai reconnu que le cas où l’air n’aurait que deux dimensions donne encore la même vitesse, quoique dans ce cas l’intégration des équations différentielles soit impossible. Mais la comparaison de la formule newtonienne de la vitesse du son avec les observations en a prouvé l’inexactitude. La différence, qui s’élève au sixième de la vitesse totale, indique évidemment que deux forces jusqu’alors ignorées influent sur la vitesse du son. Newton et les géomètres qui l’ont suivi attribuaient cette différence aux molécules étrangères que l’air tient en suspension. Mais il est facile de voir