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LIVRE XIV

déjà insensible dans les inégalités de ce genre qui sont indépendantes de l’inclinaison de cet orbe, est multipliée par cette petite inclinaison, et il fallait une analyse délicate et très-épineuse pour reconnaître que les expressions de ces inégalités acquièrent par les intégrations un très-petit diviseur qui les rend sensibles. Ainsi la théorie, qui, perfectionnée, a sur beaucoup de points devancé l’observation, a été sur ce point devancée par elle. Bradley dut à une longue suite d’observations la découverte de la nutation de l’axe terrestre, découverte l’une des plus remarquables et des plus importantes de l’Astronomie, en ce qu’elle affecte toutes les observations des astres. Ce grand astronome, ayant reconnu, par la précision de ses observations, l’aberration des étoiles et sa cause, s’aperçut bientôt qu’elle ne suffisait pas pour représenter les observations de plusieurs années, et que ces observations indiquaient une inégalité, qu’il suivit pendant une période de dix-huit ans, après laquelle les étoiles lui parurent revenir à leur première position. Cette période, la même que celle du mouvement des nœuds de la Lune, lui fit penser que l’axe de la Terre avait un mouvement périodique dépendant de la longitude de ces nœuds. Machin lui proposa l’hypothèse du pôle vrai de la Terre décrivant uniformément autour du pôle moyen, pendant une période du mouvement des nœuds lunaires, un petit cercle, de manière que le pôle vrai fût le plus près de l’écliptique lorsque le nœud ascendant de l’orbe lunaire coïncide avec l’équinoxe du printemps. Bradley reconnut que, par là, ses observations étaient à fort peu près représentées, mais qu’elles le seraient un peu mieux encore si l’on substituait au cercle une ellipse peu aplatie. Machin n’a point fait connaître la théorie qui l’a conduit à son hypothèse, et qui, si elle eût été juste, lui aurait donné l’ellipticité de la courbe décrite par le pôle vrai de la Terre et soupçonnée par Bradley. Il aurait vu que le grand axe de cette ellipse, toujours tangent à la sphère céleste, passe constamment par le pôle moyen de la Terre et par celui de l’écliptique. Mais la découverte de ces résultats était alors au-dessus des moyens de l’Analyse et de la Mécanique ; il fallait en inventer de nouveaux pour y arriver. L’honneur de cette invention