Page:Laplace - Essai philosophique sur les probabilités.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
essai philosophique

s’offrir à lui. Son cerveau est un théâtre qui exécute des scènes d’autant plus surprenantes pour le spectateur, qu’il ne les a point prévues. » En lisant l’histoire de Jeanne d’Arc, on est forcé de reconnaître une visionnaire de bonne foi dans cette fille admirable, dont l’exaltation courageuse contribua si puissamment à délivrer la France de ses ennemis. Il est vraisemblable que plusieurs de ceux qui se sont annoncés comme ayant reçu leurs doctrines d’un être surnaturel, étaient visionnaires : ils ont d’autant mieux persuadé les autres, qu’ils étaient eux-mêmes persuadés. Les fraudes pieuses et les moyens violens dont ensuite ils ont fait usage, leur ont paru justifiés par l’intention de propager ce qu’ils jugeaient être des vérités nécessaires aux hommes.

Un caractère particulier distingue des produits de l’imagination, les traces rappelées par la mémoire, et qui sont dues aux impressions des objets extérieurs. Il nous porte comme par instinct, à reconnaître l’existence passée de ces objets, dans l’ordre que la mémoire nous présente. Les expériences que nous faisons à chaque instant, de la vérité des conséquences que nous en tirons pour nous conduire, fortifient ce penchant. Quel est le mécanisme qui, dans cette opération du sensorium, détermine notre jugement ? nous l’i-