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poèmes civiques.

Je trouve exorbitant, moi, qu’on les laisse vivre !
C’est trop peu d’un long drame, il faut en faire un livre,
Prouvant que tout salon est gros d’un attentat,
Et qu’un dîner en ville est un crime d’État.


On l’a vu, ce bel âge où des forfaits semblables
Dans l’exil, au cachot, conduisaient les coupables.
Les femmes expiaient, de par l’égalité,
Le crime de génie et celui de beauté !
Ce n’était pas, du moins, le crayon des poètes
Qui notait les suspects jusqu’au milieu des fêtes,
Et la scène au salon n’eût pas fait un procès
Qui pût finir ailleurs qu’au Théâtre-Français.


Oui, la démocratie a ses Aristophanes,
Libéraux très peu clairs, flatteurs très diaphanes ;
Appuyés des sergents, des claqueurs, des faubourgs,
Ils lancent aux vaincus de hardis calembours.
Ils ont soin de rayer de leur vocabulaire
La liberté, vieux mot resté peu populaire.
Vive un chemin de fer, c’est beaucoup plus moral !
Et maintenant, c’est moi qui suis illibéral :
Je crois en Dieu ; j’admets — ce qui les scandalise —
La liberté pour tous, même un peu pour l’Église.
Je n’ai jamais flatté, comme eux, en bafouant…
Chargez, Muses, chargez, feu ! feu ! c’est un chouan !
C’est pire, un clérical ! et que ce nom l’assomme !
Dites mieux, un poignard dont le manche est à Rome.
Railleurs qui m’accablez d’un trait aussi malin,
Vous hantez plus que moi le dieu capitolin.
J’ai toujours — que la Muse ici me le permette —
Aux sept monts préféré le Taygète et l’Hymette.