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les muses d’état.

V

LES MUSES D’ÉTAT

Circenses !

Muses, les dieux s’en vont et… les badauds arrivent !
Soyez de votre temps, vivez pour ceux qui vivent ;
Assez prêché ; voici les trois coups de marteau :
Vous montiez à l’autel, grimpez sur le tréteau :
Descendez à jamais de ces hauteurs glacées
Qu’attristent la prière et les mâles pensées ;
Où l’homme sent toujours un Dieu peser sur lui ;
Où règne la pudeur… je veux dire l’ennui.
Amusez-vous ! veillez aux plaisirs de l’empire ;
C’est à vous de trouver le petit mot pour rire.
Les nouveaux arrivants se montrent délicats ;
De grâce, épargnez-nous tous les mots à fracas :
L’honneur, la liberté, le droit que l’on supprime.
Tout cela dans les vers, n’est bon que pour la rime.


Il s’agit d’être gai ! L’art, cet aimable jeu,
Proscrit également le diable et le bon Dieu.
Boileau l’a dit : Le front tout barbouillé de lie,
Vous avez commencé, Muses, par la folie.
Tâchez de rire encore au déclin de vos ans.
D’accrocher des quarts d’heure et des sous aux passants.
Sur le char de Thespis, orné du bouc obscène,