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poèmes civiques.

Dans le nouveau Paris, roulez de scène en scène ;
Aiguisez là, pour plaire à nos sens excités,
De clinquant et de fard vos vieilles nudités ;
Des salons pleins de fleurs aux trottoirs pleins de crotte,
Que l’art danse aux grelots et porte la marotte.


Vous verrez qu’il est bon de s’adoucir parfois,
D’être un peu de son siècle et de quitter les bois.
Toujours sur le trépied et toujours dans la chaire !
Sur vos sommets, vraiment, vous faisiez maigre chère.
Servez ! et vous pourrez chez quelque potentat
Gagner bonne pitance et place dans l’État.
Chacun ses fonctions ; les Muses, quoi qu’on en die,
Ont leur utilité, surtout la Comédie.
Un peuple d’électeurs, aménagés dûment,
De suffrage et de pain ne vit pas seulement ;
Pour rester bons amis, compères, camarades,
Donnons-lui, quelquefois, Bobèche et des parades.


Nous n’avons plus le cirque et les gladiateurs.
Des cochers bleus et verts, des tigres pour acteurs ;
Nous avons le roman, les chroniques, les drames ;
On peut, avec cela, contenter bien des âmes.
Dans un État réglé tout sert dorénavant.
Tout, le poète même et le singe savant.
Pour que l’on pense bien, il faut que l’on s’amuse ;
C’est là ta raison d’être et ta noblesse, ô Muse !
Et c’est pourquoi, muni d’un visa du parquet.
Nous t’élevons un temple, Apollon Bilboquet !


Les dieux sur le retour entrent dans la police.
Ô groupe des Neuf Sœurs, si vieux et si novice,