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poèmes civiques.

S’il fait chaud, s’il fait froid « Ayez le teint vermeil ;
« Je déteste ces gens maigres à face pâle ;
« Celui qui ne rit point mérite qu’on l’empale, »
— Dit l’ombre qui vous suit en comptant tous vos pas. —
« Empoignez-moi ce gueux qui ne s’amuse pas ! »


Ô progrès ! quelque jour nous atteindrons la Chine.
Quel art dans notre presse, admirable machine !
Chaque discussion, pleine de traquenards,
Les lions aux chasseurs vendus par les renards ;
Et tout ce monde-là, fait pour bourrer des pipes,
Signant : Quatre-vingt-neuf, et parlant de principes !
Soyons gais ! Ô railleurs ! vous avez bien raison,
Les colères ici ne sont pas de saison ;
La satire est absurde et de plus ennuyeuse ;
Qui s’indigne aujourd’hui d’une voix sérieuse ?
Oh ! le plaisant nigaud, qui forme en tribunal,
Pour Macaire et Bertrand, Tacite et Juvénal !
Qui dénonce Tartufe aux fureurs de Camille,
Et réveille le Cid pour rosser Mascarille !
Muse, retourne alors sous les murs d’Ilion,
Chez ces héros nourris de moelle de lion.
Priant Minerve et Mars de t’accorder leur aide,
Fais lancer par Achille, Ajax et Diomède,
Ces quartiers de rochers, aussi gros que des tours,
Qu’à peine ébranleraient vingt hommes de nos jours,
Et ces traits que Vulcain tordit dans ses fournaises ;
Fais tonner Jupiter !… pour tuer des punaises.

Octobre 1861.