Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/132

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Se tenant par la main, ils vont : les hautes branches
S’inclinent pour toucher à leurs épaules blanches.

Tels on voit s’enfoncer à travers les roseaux
Deux cygnes amoureux balancés sur les eaux ;
Tels s’effacent au loin ces deux corps pleins de grâces
Dans les arbustes verts refermés sur leurs traces ;
Et la grande forêt, ouvrant sa profondeur,
Du couple nuptial a voilé la splendeur.

Quel mode de la lyre, et quelle voix humaine
Dira du lit d’hymen où ton dieu te ramène,
Ô Psyché ! la douceur et les ravissements,
Après l’exil souffert, les discours des amants,
La sainte volupté déliant leurs ceintures,
L’intime fusion des divines natures,
Et par les nœuds riants des baisers infinis
L’Amour et la Beauté dans la lumière unis ?
Celui-là pourrait seul en retracer quelque ombre
Dont la bouche, abondante en puissances sans nombre,
Saurait fondre et mêler, dans l’or de ses chansons,
À la fois des clartés, des parfums et des sons,
Et dérobant au ciel la forme inaccessible,
Rendre à chacun des sens la parole visible.
Mais quel artiste ainsi montre à l’homme charmé,
L’idéal tout entier dans son verbe enfermé ?
Celui-là, qui de l’être écrivant le poème,
Dans l’espace rempli vit en son œuvre même.