Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/279

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Couvert du haut rempart de la forêt compacte,
Il avait, à lui seul, sans plier sous ce poids,
Rangé d’énormes troncs qui distillaient la poix.
Une torche fumait à ses côtés plantée.
Nu, paré seulement de sa barbe argentée,
Ses armes à ses pieds, la serpe d’or en main,
Sur l’affreux piédestal il trônait, plus qu’humain.
Contre lui, ses trois fils couronnés de verveines,
Se serraient ; la fierté gonflait leurs fortes veines ;
Confiants, orgueilleux de leur père, exaltés
Par ce don de leur sang à leurs dieux insultés,
Immobiles et nus ! Le vert sombre des arbres
Donne à ces corps vermeils la pâleur des vieux marbres.
Je tremblais ; je croyais voir le fatal serpent
Vers ces Laocoons s’avancer en rampant ;
Eux debout, rayonnants sous ces voûtes obscures,
Ils semblaient l’appeler et braver ses morsures.
Cloué par la terreur je n’allai pas plus loin.