Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/278

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Il m’aidait à gravir la cime âpre et fleurie,
Évoquant la terreur, et moi la rêverie.
Il me disait des chants, assis sur ses taureaux,
Chants vieux comme la terre et devenus nouveaux.
Puis, le soir, au retour, seul et longeant les seigles,
Comme un faucon s’essaye au vol, au cri des aigles,
J’essayais, ivre encor du souffle des déserts,
J’essayais son accent pour agrandir mes vers ;
J’étais plein de sa sève et bouillant de sa flamme,
Je croyais du vieux chêne avoir aspiré l’âme ;
Aux plus lointains soleils je me sentais uni,
Et je possédais mieux ma part de l’infini.

Le désert m’est fermé ! J’ai perdu mon vieux guide ;
J’ai vu finir les bois et mourir le druide.
Parmi ces dieux de l’ombre où je l’allais chercher,
Je l’ai vu de sa race allumant le bûcher.
Dans la gorge où mugit la sourde cataracte,