Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/23

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sur des rêveries ; l’infini disparaît pour nous sous les petitesses d’un culte tout extérieur. Nous n’osons plus gravir jusqu’au sommet du Calvaire ; nous nous arrêtons aux fleurs du chemin et aux molles épines qui les entourent. Voyez aujourd’hui, dans ce qu’on appelle la littérature chrétienne, quel déluge de pieuses fadeurs ! à quels ruisseaux de petit-lait et de miel sans parfum vont s’abreuver les âmes qu’exaltait jadis le torrent des Pères et des Docteurs ! Croyez-vous donc que l’esprit et la société moderne soient assez jeunes pour être mis au régime des peuples enfants ? Dans ces prétendus retours à la naïveté de la foi primitive, dans ces fêtes puériles que se donne une fausse sensibilité au préjudice de la raison, dans ce besoin de s’attacher aux accessoires de Dieu plutôt qu’à Dieu lui-même, ne faut-il pas, au lieu d’un symptôme de renaissance et de jeunesse, reconnaître une décrépitude qui menace l’esprit humain dans les bras mêmes du christianisme ? Mais ces questions sont périlleuses, et notre poésie n’y touche pas. Nous n’avons essayé d’appliquer l’esprit de l’Évangile, qu’aux matières où l’imagination et la raison peuvent se mouvoir librement. C’est dans leur vie extérieure et civile que nous suivons les chrétiens de nos jours ; c’est aux dangers de la société temporelle que nous cherchons un remède dans les enseignements du livre divin. Depuis trente ans, le nombre s’est accru en France, dans les classes cultivées, de ceux qui font une franche et pratique profession de catholicisme. Heureux de voir se multiplier les soldats du Christ, et dans ce jeune enthousiasme qui croit à la solidarité de toutes les grandes causes, nous étions convaincu que l’État s’était