Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/24

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accru de fermes et intelligents citoyens, à mesure que l’Église s’enrichissait de croyants fidèles. Dans notre pensée, un chrétien véritable était inaccessible à cet amollissement des mœurs, à cette idolâtrie du bien-être qui fausse l’idée du progrès chez les utopistes modernes, comme à ces défaillances du courage qui livrent tous les droits à la force triomphante en échange d’une trompeuse et passagère sécurité. Est-ce bien là l’exemple qu’a donné dans notre pays la société chrétienne depuis le moment où elle a semblé refleurir ? Avec la foi et la dévotion renaissantes avons-nous vu se former, dans la ruine des institutions et des partis, une tribu d’âmes d’élite faite pour résister à la décadence qui nous menace, étrangère aux calculs sordides, méprisant le luxe, indifférente à l’ambition, passionnée pour la grandeur morale et la dignité humaine ? Un chrétien a-t-il tout fait quand il s’est sagement occupé de son salut, sans préjudice de son avancement dans le monde. Lui serait-il interdit d’apporter dans les affaires publiques autre chose qu’une résignation passive à tout ce qui ne trouble pas l’exercice de son culte et le soin de sa fortune ? Doit-il accepter tout ce qui l’avilit comme citoyen sans intéresser directement sa foi ?

Sauf leur adhésion à l’autorité catholique, beaucoup de chrétiens se reposent avec complaisance dans un matérialisme véritable. Le mal s’est montré dans toute son étendue le jour où l’indifférence politique a été proclamée comme un droit et un devoir du fidèle. Il était facile de prévoir que l’égoïsme et la peur triompheraient bien vite de cette indifférence. Mais en vertu du principe posé, toutes les nobles et périlleuses aspirations du citoyen à