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due dans une brève et sèche pièce de vers ; mais sa meilleure excuse est surtout de l’avoir, transportée dans une autre langue ; il n’y avait pas là de quoi tant crier.

Enfin, il ne faut pas oublier que Ménage a rendu d’éminents services à la langue, tout autant par son influence sur les salons et les ruelles, par le ton qu’il y faisait dominer, que par ses livres et la direction qu’il imprima aux cénacles littéraires. Nous lui devons les Origines de la langue française, ouvrage où tout n’est pas excellent, il s’en faut, où bien des étymologies sont forcées et impossibles, mais qui, tel qu’il est, révèle de l’érudition, du goût, la patience des recherches, de vastes lectures, et qu’il est juste que la postérité reconnaisse comme la première tentative faite en faveur des études étymologiques dans la langue française. Comme poëte, il ne peut être rangé que parmi les poetæ minores, et encore ! Cependant on lui doit quelques épigrammes bien tournées et des madrigaux présentables. Ce qui diminue le mérite de ces productions, c’est le contraste plaisant de leur valeur réelle avec les prétentions excessives de leur auteur ; s’il se fût montré plus modeste, peut-être lui aurait-on gardé une meilleure place. « Ménage a prouvé, dit très-bien Voltaire, qu’il est plus facile de faire des vers en italien qu’en français. Ses vers italiens sont estimés, même en Italie, et notre langue doit beaucoup à ses recherches. Il était savant en plus d’un genre. » Cette courte appréciation révèle certainement de l’estime, et de la part d’un tel juge elle a une singulière valeur. Bayle, qui n’était pas non plus facile à la louange, a appelé Ménage le Varron français ; il faisait grand cas de son mérite et le qualifie « d’un des plus savants hommes de son temps. » Il trouve que ses œuvres, et spécialement le Menagiana, dont il faisait un cas particulier, sont des témoignages éclatants « de l’étendue d’esprit et de érudition qui est le caractère propre de cet écrivain. »

En voilà assez pour qu’on ne songe plus trop à Vadius.

Les ouvrages dus à la plume laborieuse de Ménage sont les suivants : le Dictionnaire étymologique ou Origines de la langue française (Paris, 1650-1694, in-4o), ouvrage qu’il remania souvent et qui fut, pour ainsi dire, l’étude de toute sa vie ; les Miscellanea (1652, in-4o), qui contiennent la Requête des dictionnaires, les pamphlets latins contre Montmaur, les pièces relatives à sa querelle avec le P. Bouhours sur les comédies de Térence, etc. ; Poemata (Paris, 1656 ; Elzévir, 1663), recueil de poésies latines, italiennes et françaises ; Observations sur la langue française (1672-1676, 2 vol. in-12) ; des études sur la langue et la littérature italiennes : Observationi sopra l’Aminta de Tasso (1653, in-4o) ; Origini della lingua italiana (Paris, 1669) ; Annotazioni sopra la Rime di Monsignor della Casa (1667, in-8o) ; Mescolanze (1678, in-8o) ; des éditions érudites : Diogène Laërce, avec un commentaire (Londres, 1663, in-fol.) ; Juris civilis amœnitates (Paris, 1664, in-8o), dissertations latines. dont le fond appartient à Scipion Gentilis ; Mulierum philosopharum historia (Lyon, 1690, in-12), appendice à Diogène Laërce ; Poésies de Malherbe, avec notes et remarques (Paris. 1666, in-8o) ; Histoire de Sablé, contenant la généalogie des seigneurs de cette ville jusqu’à Louis 1er, comte d’Anjou (1686, in-4o) ; Vita Menaii Mattæi canonici Andegavensis (1674, in-8o) ; l’Anti-Baillet (1690, 2 vol. in-12), ouvrage de polémique littéraire dirigé contre un de ses contemporains et en général fort maladroit ; enfin le Menagiana (1693, in-12, et 1713-1716, vol. in-12) ; c’est le recueil de ses conversations et de ses bons mots, rédigé par Galand, Boivin, Pinçon, l’abbé Dubos et de Valois, un des recueils de ce genre les mieux faits et les plus copieux, mais on l’a peu à peu étendu et défiguré en y insérant nombre d’anecdotes controuvées. Tel qu’il est, il donne cependant une physionnomie assez exacte de Ménage, comme homme littéraire et comme homme du monde.

MÉNAGÉ, ÉE (mé-na-jé) part. passé du v. Ménager. Disposé, distribué avec certaines précautions, dans un certain but : Les traités les mieux MENAGÉS ne sont que la loi du plus fort. (Vauven.) Tout est MÉNAGÉ dans le corps humain avec un artifice merveilleux. (Buff.) || Dirigé, mené, conduit doucement, avec attention et circonspection : Avec une gradation lente et MÉNAGÉE on rend l’homme et l’enfant intrépides à tout. (J.-J. Rouss.) L’espérance a besoin d’être MÉNAGÉE comme la crainte. (Guizot.)

— Dépensé, employé avec réserve, économiquement : Nos ressources ont besoin d’être MÉNAGÉES.

— Qui est l’objet de beaucoup de soins : Une santé bien MÉNAGÉE promet une belle vieillesse.

— Traité avec des égards : Il est irascible et a besoin d’être MÉNAGÉ. C’était un homme très-peu MÉNAGÉ par le public. (Chamfort.)

MÉNAGEMENT s. m. (mé-na-je-man — rad. Ménager). Circonspection, précaution, procédés délicats que l’on emploie pour éviter de blesser quelqu’un, de lui nuire, de lui être désagréable : Annoncer une nouvelle fâcheuse avec beaucoup de MÉNAGEMENT. User de MÉNAGEMENTS envers quelqu’un. C’est un indi-


vidu qui ne mérite pas tant de MÉNAGEMENTS. La science doit avoir de grands MÉNAGEMENTS avec l’ignorance, qui est sa sœur ainée. (Funten.) Il faut mille MÉNAGEMENTS pour faire admettre une vérité. (Goddet.) La contrainte employée sans MÉNAGEMENT à l’égard de la jeunesse ne réussit qu’à la condition de l’abrutir. (P. Janet.) Le cœur qui souffre est un malade demande de grands MÉNAGEMENTS. (La Rochef.-Doud.) On se fait toujours des ennemis de ceux avec qui on rompt sans MÉNAGEMENT. (Mme de Puisieux.) Ayez donc des MÉNAGEMENTS pour qu’à haute voix on vous accuse de défection, et à voix basse de faiblesse ! (E. de Gir.)

— Syn. Ménagements, attentions, etc. V. ATTENTIONS.

MENAGEOT (François-Guillaume), peintre français, né à Londres en 1744, mort à Paris en 1816. Il avait pris successivement des leçons de Deshais, de Boucher et de Vien, lorsqu’il remporta, en 1766, le grand prix de peinture. Après cinq ans d’études à Rome, il revint à Paris, dut à son tableau représentant les Adieux de Polyxène à Hécube d’être agréé à l’Académie royale (1777), à son allégorie du Temps arrêté par l’étude d’être reçu académicien (1780), puis il fut nommé professeur adjoint, professeur en titre et remplit, de 1787 à 1793, les fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome. Cette Académie ayant été supprimée en 1793, Menageot se retira à Vicence, revint en France vers 1802, reprit sa place de professeur et fut admis de nouveau à l’Académie des beaux-arts, en remplacement de Vien, en 1809. Menageot, dit M. de La Porte, sera toujours recommandable comme peintre, par la sagesse de ses grandes compositions, la pureté du dessin, l’art des draperies, l’harmonie du coloris, l’expression et la netteté du sujet, mais surtout par ce qu’il y sut répandre de gracieux. Parmi les meilleurs ouvrages de cet artiste, qui s’efforçait de rendre ses compositions irréprochables à force de travail, nous citerons : Léonard de Vinci mourant entre les bras de François Ier (1781), son chef-d’œuvre, belle et noble composition reproduite par la gravure et par la manufacture des Gobelins ; les Adieux de Cléopâtre au tombeau d’Antoine ; Astyanax arraché des bras de sa mère ; Méléagre entouré de sa famille ; Mars et Vénus ; Dagobert ordonnant de construire l’église de Saint Denis ; une Nativité ; la Vierge aux anges, à Vienne, etc. Menageot, a laissé, en outre, de petits tableaux et de charmantes esquisses qui rappellent souvent l’inspiration d’Ovide et la manière de l’Albane.

MÉNAGER v. a. ou tr. (mé-na-jé rad. ménage. Prend un e après le g devant un a ou un o : Il ménagea, nous ménageons). Disposer, distribuer, utiliser dans un certain but ; conduire, régler avec certaines précautions : Voltaire, si habile à MÉNAGER et à nouer une négociation, aurait pu faire un ministre. (Ste- Beuve.) || Préparer, amener par certains procédés, avec un certain art : MÉNAGER son dénoûment. Faciliter, procurer, faire obtenir, réserver : On vous MÉNAGE une surprise. L’indulgence vous MÉNAGE de bons défenseurs. (P. Syrus.) On dirait que le monde entier doit se bouleverser, ou pour nous MÉNAGER un plaisir, ou pour nous sauver la plus légère peine. (Mass.)

Croyez bien qu’ici-bas le ciel sut ménager
A chacun sa part de danger.

LACHAMBEAUDIÉ.

— Réserver une place à : MÉNAGER une porte pour communiquer avec la pièce voisine. MÉNAGER un escalier dans le mur.

— Dépenser économiquement employer avec discrétion, avec circonspection : MÉNAGER son argent, ses revenus, ses ressources. MÉNAGER sa santé. Apprendre à MÉNAGER sa force, sa voix, son talent, son esprit, c’est là l’utilité de l’art, et le seul moyen d exceller. (J. Joubert.) Ne pas prodiguer, épargner, être avare de : Jeune fille, ne MÉNAGEZ pas la simplicité, ne forcez pas la parure. (J. Janin.)

Enfin, pour nous tenir toujours sur le bon bout,
Je n’ai rien ménagé, j’ai presque vendu tout.

BOURSAULT.

|| Tirer soigneusement parti de : MÉNAGER un terrain, une étoffe.

— Ne pas exposer, ne pas fatiguer inutilement : MÉNAGER son cheval. MÉNAGER les troupes. Celui qui ne craint pas pour sa vie ne ménage pas celle des autres. (F. Bacon.) Il n’est rien que les hommes aiment mieux. conserver et qu’ils MÉNAGENT moins que leur propre vie. (La Bruyère.)

— Eviter de froisser, traiter avec circonspection, avec certains égards : Vous ne MÉNAGEZ guère vos amis. Il est du devoir d’un honnête homme de MÉNAGER la réputation d’autrui : (Brillon.) Il faut MENAGER l’opinion des sots. (St-Evrem.) C’est le crédit qui oblige les gouvernements à MÉNAGER l’opinion publique. (Mme de Staël.) C’est le propre des gouvernements sages de MÉNAGER l’opinion publique. (Mich. Chev.) Un homme poli accueille avec grâce les désirs légitimes, MÉNAGE les prétentions et colère les défauts des autres. (Latena.) Un impertinent ne renonce à lancer un trait que pour MÉNAGER un intérêt sérieux. (Latena.) L’art de MÉNAGER les hommes est le premier des préceptes de l’art de gouverner. (E. de Girardin.) || Ne pas accabler, n’user


qu’avec ménagement de sa victoire sur : MÉNAGEZ votre adversaire.

— Ménager le temps, Ne pas le perdre inutilement. || Ménager l’occasion, La préparer, la faire naître.

— Ménager ses pas, Eviter de faire des démarches inutiles.

— Ménager ses paroles, Parler peu.

— Ménager les expressions, les termes, Mettre de la précaution, de la circonspection, de la retenue dans l’expression de sa pensée : Appius, étant monté à la tribune aux harangues, MENAGEA SES EXPRESSIONS de manière que, sans se déclarer contre le Sénat, il sut plaire au peuple. (Vertot.)

— Ménager les intéréts de quelqu’un, Eviter de les compromettre : Le plus habile gouvernant est celui qui MÉNAGE LES INTÉRÊTS du plus grand nombre et concilie ceux de tous. (Mabire.)

— Ménager la chèvre et le chou, S’efforcer de ne pas froisser deux intérêts, deux partis opposés.

— N’avoir rien à ménager, N’avoir aucune mesure à garder, être dispensé de toute circonspection.

— Prov. Qui veut aller loin ménage sa monture, Il faut user avec modération des choses dont on veut pouvoir se servir longtemps.

Se ménager v. pr. Se conduire prudemment, adroitement, avec réserve ; ne pas se prodiguer : Je ME MÉNAGE selon les lieux, les temps et les personnes avec qui je suis. (Mme de Sév.)

L’âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage,
Se pousse auprès des grands, s’intrigue, se ménage.

BOILEAU.

|| Mettre de la retenue dans ses actions, dans ses discours, se gêner dans ce qu’on dit ou dans ce qu’on fait : Le précepteur fut bien brocardé ; le cardinal et le prince de Rohan ne S’Y MÉNAGÈRENT pas. (St-Sim.)

— Avoir soin de sa santé ; user discrètement de ses forces, de ses moyens : Il faut VOUS MÉNAGER, si vous ne voulez pas retomber malade. — Quelques grands acteurs, sous prétexte de SE MÉNAGER, se dispensent de remplir leur devoir. (Le Sage.)

— Avoir des ménagements l’un pour l’autre : Des adversaires qui SE MÉNAGENT.

— Réserver, préparer à soi-même : Je ME MÉNAGE la satisfaction de confondre ses mensonges. Les plus sages dans le monde ne sont occupés qu’à SE MENAGER des élablissements qui sont fondés sur le sable. (Mass.) Les plus satiriques et les plus misanthropes sont assez maitres de leur bile pour SE MÉNAGER adroitement des protecteurs. (Ste-Beuve.)

MÉNAGER, ÈRE adj. (mé-na-jé, è-re — rad. ménage). Qui a rapport au ménage, à la vie domestique ; qui provient du ménage : L’écoulement des eaux MÉNAGÈRES. Les travaux MÉNAGERS s’accomplissaient sans aucune critique. (Balz.)

— Econome, qui use avec réserve d’une chose : C ’est une femme très-MÉNAGÈRE. Soyez MÉNAGER de compliments.

Ne perdez pas le temps à des choses frivoles.
Le sage est ménager du temps et des paroles,

FLEURY.

— Substantiv. Personne économe : Ah ! vous étes bons MÉNAGERS, vous autres ; vous venez sur les chevaux de vos laquais, et vous faites mener vos cheveux de luxe en main, doucement et à petites journées. (Alex. Dum.)

s. m. Petit propriétaire agricole, dans certains départements.

— Anc. cout. Celui qui occupe un manoir. || Se disait en Normandie.

s. f. Femme qui s’occupe des soins du ménage, qui sait conduire une maison : Partout, c’est sur une bonne MÉNAGÈRE que roule la prospérité d’une famille. (De Théis.) La nature n’a créé qu’une MÉNAGÈRE sur trois femmes. (Fourier.) Une bonne MÉNAGÈRE est un trésor pour le paysan. (Mme Romieu.) Les MÉNAGÈRES hollandaises, qui se croient propres, ne sont que d’infâmes souillons à côté des marins, que nul n’égale dans l’art de balaycr, de laver, de poncer, de vernir et de donner son lustre à chaque objet. (Th. Gaut.)

La sage ménagère à ses humbles foyers
Ranime en haletant la flamme qui sommeille.

DELILLE.

Commissaire, commissaire,
Colin bat sa ménagère
Pour l’amour c’est un beau jour.

BÉRANGER.

|| Servante qui fait un ménage. Econ. domest Sorte d’huilier qui, outre les burettes à huile et à vinaigre, perte le moutardier, les salières et des flacons pour les épices. On l’appelle aussi PORTE-SAUCE.

— Encycl. Iconogr. Un grand nombre de tableaux portent le titre de Ménagère ; nous en citons quelques-uns au mot MÉNAGE. V. ce mot.

MÉNAGER (Nicolas LE BAILLIF, surnommé LE), diplomate français. V. MESNAGER.

MÉNAGERIE s. f. (mé-na-je-rî — rad. ménage). collection d’animaux vivants réunie pour la curiosité ou pour l’étude : Les MÉNAGERIES de la foire. La MÉNAGERIE du Jardin des plantes.


— Econ. rur. Endroit où l’on élève, où l’on engraisse des bestiaux, des volailles. || Vieux en ce sens.

— Encycl. On désignait jadis sous ce nom, en France, un lieu placé dans le voisinage d’une métairie ou d’une maison de campagne et consacré à l’éducation des bestiaux que l’on destinait aux usages domestiques. C’est maintenant un lieu ou l’on rassemble des animaux rares et précieux, soit pour satisfaire la curiosité publique, soit pour offrir à l’histoire naturelle un vaste champ d’observation. Mais si le mot ménagerie, dans le sens où on l’emploie aujourd’hui, est d’un usage récent, il s’en faut que les établissements auxquels on donne ce nom soient d’institution moderne. Les ménageries existaient déjà dans l’antiquité. Alexandre réunit à Babylone des animaux rares et curieux qu’il envoya en Gréce, où, grâce à cet envoi, Aristote put écrire avec tant d’exactitude sa belle histoire naturelle. De même, les animaux expédiés à Rome du fond de toutes les provinces tributaires, beaucoup plus pour les plaisirs.du cirque que pour l’étude des sciences, servirent puissamment aux travaux de Pline. Bientôt tous les riches particuliers romains eurent leurs ménageries, et le cirque devint lui-même, à certains jours, une sorte de ménagerie où les généraux victorieux, puis les empereurs, réunissaient, exposaient et faisaient le plus souvent combattre des animaux féroces de l’Afrique, de l’Asie ou du nord de l’Europe. Les progrès de la civilisation firent renoncer aux sanglantes exhibitions du cirque, et aujourd’hui c’est dans un but purement industriel ou scientifique que les animaux féroces sont amenés dans nos régions. Nous établissons des ménageries pour étudier les mœurs des animaux pendant leur vie et leur structure après qu’ils sont morts.

Les rois de France eurent presque toujours une ménagerie où ils entretenaient des bêtes féroces ou des animaux rares. Sous François Ier une ménagerie se trouvait installée à l’hôtel Saint-Paul. Louis XIV, à l’instigation de l’Académie des sciences, installa dans le parc de Versailles une ménagerie qui commença à avoir quelque importance pour les sciences. Il fit rechercher avec soin dans les pays étrangers tout ce que le règne animal offre de plus curieux et de plus intéressant, et il rassembla ces animaux dans des bâtiments situés au midi du grand canal. Cette ménagerie, « toute de riens exquis et garnie de toutes sortes de bêtes à deux et à quatre pieds, les plus rares, selon l’expression de Saint-Simon, fut entretenue avec une négligence regrettable. Peu de temps avant sa mort, Louis XV y fit une visite, et il remarqua que cette dépendance des palais royaux était peuplée d’une multitude de dindons. Le roi. dit tout haut que ces bêtes lui déplaisaient. Le gouverneur de la ménagerie ne tint aucun compte de ce langage. Quelque temps après, le roi revit les susdits dindons : Monsieur, dit-il alors au gouverneur, que cette troupe disparaisse, ou, je vous en donne ma parole d’honneur, je vous ferai casser à la tête de votre régiment.

Bernardin de Saint-Pierre, devenu intendant du Jardin des plantes en 1792, publia un long mémoire sur la nécessité de créer une ménagerie au Jardin des plantes, c’est-à-dire de mettre des animaux à la disposition des savants, et il demanda la translation de la ménagerie de Versailles à Paris. Une ménagerie, dit-il, est essentiellement nécessaire à l’étude générale de la nature. Elle ne l’est pas moins à celle des arts libéraux. Des dessinateurs et des peintres viennent chaque jour au Jardin national pour y dessiner des plantes étrangères lorsqu’ils ont à représenter des sites d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. Les animaux des mêmes climats leur seront aussi utiles ; ils étudieront les formes, les attitudes, les passions. Ils ont déjà, dit-on, des modèles en plâtre ; mais d’après quel plâtre Puget a-t-il sculpté le lion qui déchire les muscles de Milon de Crotone ? Artistes, poëtes, écrivains, si vous copiez toujours, on ne vous copiera jamais. Une ménagerie sera utile à Paris en y attirant des curieux. Ceux qui veulent achalander une foire y apportent des animaux étrangers, et la partie ou on les rencontre est la plus fréquentée. »

Lorsque, en 1793, le Jardin des plantes reçut le nom de Muséum d’histoire naturelle, il fut décidé par la commission, chargée de faire un règlement sur l’organisation de cet établissement, qu’on y créerait une ménagerie. Toutefois, dans l’exécution de cette décision, il y eut des retards qui peut-être se seraient prolongés sans une circonstance heureuse qui vint subitement et spontanément provoquer la création de la ménagerie et qui se rattache à la glorieuse vie d’Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire.

Le procureur général de la commune de Paris, considérant que les exhibitions publiques d’animaux vivants ne devaient point être abandonnées à l’industrie particulière, attendu que ces ménageries foraines causaient non-seulement encombrement sur les places publiques, mais pouvaient même, par suite de la négligence des gardiens à l’égard des bêtes féroces, devenir une cause de danger pour les citoyens, le procureur général prit un arrêté portant que les animaux stationnés sur les places de Paris seraient saisis sans délai par le ministère des officiers de police