Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 11, part. 1, Mémoire-Moli.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

METZ

depuis 1633 le siège d’un parlement et qui,

frâcc aux fortifications construites par Vauan, devint une place de guerre du premier ordre. Ce fut à Metz que Louis XV, atteint d’une maladie qu’on crut mortelle, chassa de la cour, sur les instances de son aumônier, sa maîtresse la duchesse de Châteauroux (14 août 1744). MetzrésistaàBrunswiek, qui envahit la France en 1792, et, en 1814, elle tint en échec Btueher qui essaya vainement de la prendre. Lorsque éclata la guerre de 1870, Metz devint le quartier général de l’armée. Vers le 20 août, elle fut investie par les armées allemandes et livrée, avec l’armée française, au prince Frédéric-Charles par le maréchal Bazaine le 29 octobre suivant (v. plus bas Metz [siège de]). Depuis lors, cette ville est restée au pouvoir des Prussiens, à qui elle a été cédée par le traité de Francfort (10 mai 1871).

Comme nous l’avons dit, Metz est le siège d’un évêché. Fondé dans la seconde moitié du m’ siècle, il fut suffragant de Trêves jusqu’en 1790, et attaché alors à la métropole de Reims. Depuis 1802, il fait partie de la province de Besançon. Des conciles-ont été tenus dans cette ville en 590, 753, 859, 863, 8G9 et 8SS.

Enfin, Metz est la patriedu comte de Gisors, du maréchal Kellermann.de Custine, dugénéraî Lasalle, de l’helléniste Foes, du graveur Sébastien Le Clerc, du peintre d’histoire Jean Leprince, des deux Lacreielle, de Mme Tastu, d’AmbroiseThomas, du peintre Maréchal, etc.

— Bibliogr. On consultera avec fruit, pour l’histoire de Metz, les ouvrages suivants : les Chroniques de Metz, par J. Châtelain (1698, in-12) ; les Antiquités de Metz, par Cajot (1760, in-12) ; Histoire de Metz, parDom J.-F. (1769, 4 vol. in-4») ; les Chroniques de Metz, par F. Huguenin (1838, in-8°) ; Journal de J. et P. Aubrion, publié par Larchey (1857, in-8«) ; Mémoires de Philippe de Vigneules, publiés par Michelaut (1852, in-8°) ; les Chroniques de Metz, par Jacomin (1870, in-S°).

Mets (siège de), un des plus glorieux dont fassent mention nos annales militaires (du ’ 8 oct. 1552 au 1er janv. 1553). Henri II, profitant des graves embarras que suscitaient alors à Charles-Quint les guerres religieuses, reprit les hostilités et envoya dans 1 Est une belle armée qui s’empara de Metz, Toul et Verdun, ce qu’on appelait alors les Trois-Evêchés. À la nouvelle de cette agression des Français, l’empereur irrité se hâta de régler les affaires d’Allemagne et accorda les plus larges concessions aux protestants ; puis, se retournant contre la France comme un sanglier furieux revient sur le chasseur qui l’a blessé, il envahit les Trois-Evêchés et alla mettre le siège devant Metz avec une armée de 60,000 hommes et une artillerie de 100 pièces de canon, formidable pour cette époque. Heureusement, la ville était défendue par un grand homme de guerre, François de Guise, lequel ne négligea rien pour mettre la place en état de résister à l’orage qui allait fondre sur elle. Au reste, Chailes-Quint savait apprécier a sa juste valeur le défenseur de Metz. Comme ses généraux étaient d’avis de commencer par sommer la place : « Non, répondit l’empereur ; François de Guise ne s’est pas enfermé dans la ville avec la fleur de la noblesse française pour capituler. Nous ne réussirons dan3 notre projet qu’à force de valeur, d’activité et d’intelligence, t On attaqua donc sans sommation préalable, et les opérations du siège furent poussées avec la plus extrême vigueur. La garnison, électrisée par son commandant, fit des prodiges de valeur ; mais, quels que fussent l’habileté du chef et le courage des soldats, il devenait chaque jour de plus en plus évident qu’il faudrait oientôt, avec des moyens de résistance si restreints, céder aux troupes impériales, François de Guise s’avisa alors d’un expédient qui lui réussit admirablement. Imitant une ruse de guerre déjà mise en œuvre avec succès par Bayard au siège de Mézières, il fit tomber adroitement entre les mains des Espagnols une lettre adressée au roi de France, dans laquelle il lui disait qu’il n’avait plus aucune inquiétude depuis que les ennemis avaient porté leurs efforts du côté où les fortifications présentaient les plus solides moyens de défense. Les assiégeants, donnant aussitôt dans le piège, dirigent toutes leurs batteries contre un front capable de résister à toutes les attaques. Mais ces variations prennent du temps et font traîner les opérations en longueur. Alors le vieil empereur, malgré ses infirmités, se fait transporter au camp, tout bouillant de colère et de honte de voir sa belle armée si longtemps impuissante. À son arrivée, les impériaux font de grandes démonstrations de joie, espérant que la victoire n’oserait hésiter en sa présence. Charles-Quint, voyant la brèche suffisante, s’emporta et s’écria devant ses généraux : à Comment, plaies de Dieu ! n’entre-t-on point là-dedans ? La brèche est si grande et si à Heur de fossé ! vertu de Dieul à quoi tient-il ? ■ On lui fit alors remarquer que, derrière cette brèche, le duc de Guise avait fait élever de larges retranchements, garnis de feux d’artifice, d’une artillerie formidable, et défendus par 10,000 des plus vaillants soldats de l’Europe. « Ah I s’écria Charles rendu furieux par ces sages représentations, je vois bien que je n’ai plus d’hommes. 11 me faut dire adieu u l’empire, à toutes mes

METZ

entreprises et au monde, et me confiner en quelque monastère ; car je suis vendu et trahi, ou pour le moins aussi mal servi que monarque saurait être ; et, par la mort Dieu ! devant trois ans je me rendrai cordelierl» Ce beau vœu, que Charles devait en effet exécuter, comme on le sait, ne le rendit point maître de Metz ; sa colère n’eut aucun résultat. Bientôt l’armée impériale, décimée par la faim, par le fer, par la rigueur de la saison, se vit contrainte de lever le siège. Elle opéra sa retraite de nuit dans le plus grand silence, abandonnant ses équipages, ses tentes, son artillerie, ses munitions de guerre et ses approvisionnements. Une partie de la garnison se lança aussitôt à sa poursuite. Un de nos plus impétueux officiers, le prince de La Roche-Yvon, joint quelques escadrons de cavalerie et leur présente le combat : à Eh I lui répond leur commandant, comment voulez-vous que nous ayons la force de combattre ? Vous voyez qu’il ne nous en reste pas même assez pour fuir, » Le prince, touché de compassion, laissa ces malheureux continuer leur route, .

Un capitaine de l’armée française, Vieilleville, qui, durant toutes les opérations du siège, n’avait cessé d’inquiéter les assaillants, apprit bientôt par quelques déserteurs la retraite des ennemis :« J’ai toujours bien pensé, dit-il avec la crudité du langage militaire de l’époque, que Charles était trop vieil, goûtteux et valétudinaire pour dépuceler une si belle jeune fille. »

Plusieurs médailles furent frappées pour éterniser la mémoire de la délivrance de Metz ; une, entre autres, reproduisait la propre devise de l’empereur : c’étaient les colonnes d’Hercule avec le mot latin ultra, pour faire entendre que, par son expédition en Afrique, si malheureuse d’ailleurs, ce prince avait porté ses armées bien au delà du pays qu’avait parcouru Hercule. Au corps de la devise on ajouta un aigle enchaîné et attaché aux colonnes avec ces mots : Non ultra metas. L’équivoque naissant du mot Metas était d’autant plus piquante pour Charles-Quint, que ce mot signifiait également la ville de Metz et les colonnes d’Hercule.

Du reste, Charles caractérisa son échec à peu près comme Vieilleville : « Je vois bien, dit-il, que la Fortune est une femme : elle favorise les jeunes gens et dédaigne les vieillards. »

Meu (capitulation dk), signée le 27 octobre 1870. C’est avec un douloureux saisissement que nous allons retracer les péripéties de ce lamentable épisode, le plus triste et, pourquoi ne pas le reconnaître ? le plus honteux de notre histoire nationale ; honteux, non certes pour la brave armée qui en fut la première victime et qui venait de prouver d une manière si éclatante à Gravelotte, et même à Saint-Privat, qu’elle n’avait point oublié ses vieilles traditions de gloire et d’héroïsme j mais honteux pour les chefs ineptes et sans patriotisme qui le rendirent inévitable, honteux pour le pays lui-même, coupable d’avoir confié ses destinées à de pareils hommes. Cependant, quelque ému que nous soyons, nous ferons en sorte de ne pas franchir le3 limites de la modération et de l’impartialité imposées à l’historien. Pourquoi se laisser aller à des exagérations blâmables, lorsque la vérité, hélas 1 est déjà si dure à faire entendre ? C’est pourquoi, après avoir consulté les ouvrages qui font autorité dans la question, nous avons cru devoir surtout emprunter les renseignements qui suivent au rapport du général de Rivière, lu devant le conseil de guerre convoqué pour juger le maréchal Bazaine ; rapport dont les éléments ont été longuement étudiés, savamment préparés, et dont chacun a pu constater la clarté lumineuse et la haute impartialité. Nous ne nous étendrons pas ici sur les débuts de la campagne, qui sortent de notre cadre ; nous n’aborderons les faits qu’à partir du 12 août 1870, jour où Bazaine prit en mains le commandement en chef de l’armée du Rhin, et devint responsable des événements qui amenèrent la catastrophe.

Dès le jour même ou le maréchal Bazaine se trouva investi du commandement supérieur des quatre corps d’armée réunis en Lorraine, il inaugura ce système d’inertie et de tergiversations qui semble avoir présidé constamment à ses calculs. Au lieu de commencer sur Verdun, dès le 13 août, le mouvement de retraite impérieusement commandé par la situation, et qui était alors des plus faciles, il s’attarde sans raison sur.la rive droite de la Moselle, comme s’il eût voulu laisser à l’ennemi le temps d’arriver, de masser ses forces et de nous attaquer au moment où la plus grande partie de l’armée aurait opéré le passage du fleuve. Et cependant Napoléon III lui-même, malgré son incapacité absolue, lui avait révélé toute l’importance que l’ennemi attachait à ce que nous ne pussions passer sur la rive gauche, où nous devions trouver ouvertes les routes qui conduisent au cœur de la France. Les Allemands arrivèrent à temps pour attaquer notre arrière-garde : ce fut le combat de Borny, qui tourna à notre honneur, Mais ce n’en était pas moins un retard des plus fâcheux ; car il permettait à l’ennemi d’accélérer le mouvement tournant qui allait le porter sur notre ligne de retraite et nous enlever toute communication avec l’intérieur.

L’armée française, une fois réunie sur la

METZ

rive gauche de la Moselle, se trouva dans la

fiosition la plus étrange, qui met bien en reief l’incroyable incurie de ses chefs. Au lieu de la faire défiler par quatre itinéraires qu’on avait à sa disposition, on la laissa s’engouffrer en masse sur l’unique voie qui s’étend de Metz à Gravelotte, pour se bifurquer ensuite sur Verdun par Etain et Mars-la-Tour. Il se produisit un encombrement effroyable, qui retarda la marche de nos soldats, tandis que l’ennemi précipitait la sienne avec d’autant moins de difficulté qu’on n’avait pas eu la vulgaire précaution de faire sauter les ponts qui lui livraient passage. Au reste, tous les acles, toutes les paroles du maréchal Bazaine prouvent jusqu’à la dernière évidence qu’il n’a jamais voulu s’éloigner de Metz, dans un but qui se manifestera clairement tout à l’heure. Il n’avait alors qu’un désir, celui de se dégager de la tutelle de l’empereur afin d’être libre de ses mouvements, ou plutôt de son inaction calculée ; autrement, quelque inepte qu’il pût être, il n’aurait pas laissé a l’ennemi toute facilité de nous barrer le chemin.

Le 16 août eut lieu la bataille de Gravelotte, dont l’issue fut si honorable pour nos armes. Bazaine profitera-t-il de ce succès pour activer sa marche sur Verdun ou sur une autre place du Nord ? Non ; au contraire, il prescrit un mouvement en arrière, sous prétexte de se ravitailler. Ainsi, k peine eston en marche que les vivres et les munitions font défaut. Mais cette appréhension était-elle fondée ? Il est facile de s’en rendre compte. Il est bien vrai que dans la soirée dû^ 16 le général Soleille, commandant l’artillerie de l’armée, avait envoyé son chef d’étatmajor prévenir le maréchal que la consommation des munitions avait été considérable, qu’on pouvait l’apprécier au tiers et même a la moitié de l’approvisionnement de l’armée, et qu’il serait utile d’envoyer à Metz, dans la nuit même, chercher de nouveaux caissons. C’est ici que commence la parede responsabilité encourue par le général Soleille ; car il semble que chacun des chefs ait lutté d’imprévoyance, de négligence et de mauvais

vouloir dans ces fatales circonstances. Après la bataille de Gravelotte, où l’armée ne consomma que 26,000 obus, il lui en restait encore plus de 80,000 pour gagner Verdun, où l’on était sûr de trouver des approvisionnements de toute espèce. Quelque résistance que le maréchal pût rencontrer sur son chemin, il était donc certain de pouvoir riposter aux coups de l’ennemi. Quant aux vivres, il est prouvé qu’il en avait pour quatre jours et demi de marcha ; et l’on se trouvait à quinze lieues de Verdun ! ’

Dans la soirée du 17, le maréchal songea enfin à prévenir, par le télégraphe, l’empereur et le ministre de la guerre de la situation dans laquelle il prétendait se trouver ; mais il était déjà trop tard, et, lorsque les approvisionnements demandés eurent été expédiés

par ordre du ministre, ils trouvèrent la voie coupée et ne purent arriver à Metz. Cette négligence calculée du maréchal ne pouvait avoir sa source que dans sa résolution arrêtée de se soustraire à des invitations trop pressantes d’avoir à continuer sa inarche. S’il avait eu réellement la pensée de se diriger vers l’intérieur, -il aurait renforcé sa droite en y établissant ses meilleures troupes, tandis qu’il ne laisse sur le plateau de Saint-Privat, la clef de la position, que le corps du maréchal Canrobert, déjà très-énrouvé dans la journée du 1G et resté fort incomplet. Le 18, des forces considérables attaquèrent Canrobert, qui résista avec la plus vaillante opiniâtreté, et qui aurait peut-être triomphé des efforts de l’ennemi s’il avait reçu les renforts qu’il avait demandés vainement à plusieurs reprises au maréchal Bazaine (v. Privât [Saint-]). Mais ce dernier ne se donna même pas la peine de se rendre sur le champ de bataille, comme c’était son devoir le plus élémentaire. Il est vrai qu’il a prétendu depuis avoir donné des ordres, car son système de justification consiste à rejeter toute la responsabilité sur ses lieutenants. C’est à la suite de la bataille de Saiht-Privat que les intentions du maréchal commencent à se dessiner nettement, dans cette note dictée par lui et destinée à être communiquée, sans indication d’origine, au journal le Courrier de la Moselle, qui la publia le lendemain 20 août. On y trouvait la phrase suivante :

« L’une des armées de la France est aujourd’hui concentrée sous Metz, sur les emplacements que le maréchal a désignés à la suite de l’affaire du 18. On peut dire que l’ensemble du plan de l’ennemi pour la journée du 18 n’a pas réussi. En tenant autour de Metz, l’armée du maréchal Bazaine fait face à des nécessités stratégiques et politiques. >

Nécessités politiques, voilà le mobile secret révélé. Lorsque l’ennemi se préparait à marcher sur Paris et à inonder une moitié de la France des Ilots de l’invasion, ce n’était pas aux exigences de ses devoirs militaires envers la patrie que cédait le maréchal, c’était a des nécessités politiques. En vérité, en lisant de pareilles monstruosités, en entendant un chef d’année déclarer cyniquement que dans ce suprême danger il immobilise les défenseurs du pays pour obéir à des considérations de cette nature, qui mettent si bien à nu son manque de patriotisméet ses étroits calculs d’ambition criminelle, on se croit le

METZ

175

jouet d’un rêve, d’un cauchemar étouffant qui va s’évanouir devant la réalité. Et cette réalité, hélas ! n’est cependant que trop poignante. Et ici, puisqu’il est déjà avéré que Bazaine n’a pas voulu s’éloigner de Metz, se

fiose une question terrible : Pourquoi a-t-il ivre les batailles de Gravelotte et de Saint- " Privât ? Pourquoi a-t-il fait tuer 30,000 hommes dans l’unique but de se créer un prétexte de nécessité ?

Une autre preuve que le maréchal caressait des projets inavouables, c’est que, tan-dis qu’il faisait publier ainsi à Metz que son armée était retenue sur la place par des nécessités politiques et militaires, il faisait tenirau maréchal Mac-Mahon l’avis qu’il se préparait à suivre, pour le rejoindre, la ligne des places du Nord, et qu’il Je préviendrait de sa marche, si toutefois il pouvait l’entreprendre sans compromettre le salut de l’armée. En même temps Bazaine entretenait l’empereur de ses projets de départ, et il agissait de même envers le ministre de la guerre : Chose curieuse et grave k noter, à partir de la dépêche du 19 au maréchal Mac-Mahon, que nous venons de mentionner, Bazaine ne lui expédie plus aucun avis. C’est cette fameuse dépêche, datée du 19 et expédiée le £0, qui rie parvint jamais au maréchal Mac-Mahon, et. qui paraît avoir été interceptée par le colonel ’ iStoffel. Mais Mac-Mahon, sur d’autres informations, ne s’en était pas moins mis déjà 1 en route pour rejoindre Bazaine, et il courait ainsi au-devant du désastre de Sedan, dont la responsabilité, terrible retombe en grande partie sur le commandant en chef da l’armée du Rhin. Ce qui nchève de combler la mesure de cette responsabilité, c’est qu’il est absolument certain aujourd’hui que le 23 août le maréchal Bazaine fut prévenu par. une dépêche de la marche de Mac-Mnhon. Voici, en effet, en quels termes le colonel Lewal s’est exprimé dans sa déposition : « Le. 23, dans l’après-midi, vers deux ou trois heures, un courrier civil me remit une dépêche roulée en cigarette ; je l’apportai immédiatement, comme d’habitude, à M. le maréchal : Bazaine. Je lui demandai s’il n’avait riena renvoyer par le courrier : il me répondit que non et de conserver l’homme. Je saluais pour me retirer, lorsque le maréchal me dit : « At^

« tendez, nous allons voir ce que dit cette dépêche. • Il l’ouvrit et la lut tout haut ; elle indiquait un mouvement sur la Meuse de M. le " maréchal de Mac-Mahon. À ce moment, connaissant à peu près la position des armées ’ ennemies, je fus frappé du danger que courait l’armée de Châlons, pouvant être atta-■. quée de flanc par des forces supérieures ; et je m’écriai : « Monsieur le maréchal, il faut

partir tout de suite. » Le maréchal répliqua : « Tout de suite, c’est bien tôt. — Je veux dire demain, 1 ajoutai-je. Le maréchal allégua des nécessités de ravitaillement en vivres et ; en munitions qui devaient prendre assez dé temps. J’insistai pour que ces opérations fussent menées très-rapidement, m’efforçant de faire ressortir l’urgence du départ. Je demandai au maréchal de vouloir bien faire supprimer d’une manière complète tous les ba’gagés’ ; ’ nous eûmes une discussion à ce sujet : L entretien fini, le maréchal me dit : « Je vous

« ferai appeler quand il y aura lieu d’étudier le mouvement de sortie. •

Cette déposition si grave est corroborée en ces termes par le colonel d’Andlau, auteur de l’ouvrage si remarquable intitulé Metz, campagne et négociations :

Dans la journée du 23, j’eus l’occasion de ’ constater que le colonel Lewal étudiait un projet de sortie par la rive droite. Il me donna communication de ce projet. L’armée fut mise en mouvement, comme Ion sait, dans la ma-tinée du 26. En arrivant sur le terrain, le maréchal convoqua les commandants des corps pour prendre leur avis sur la situation. Il fut décidé, dans la conférence qui eut lieu k ce sujet, que le mouvement projeté ce jourlà serait ajourné, et nous dûmes regagner nos campements.

Tout la monde était fort désappointé déco qui se passait, et comme j’exprimais ce sentiment devant le colonel Lewal, il me dit : ’

« Tout cela est bien plus triste que vous ne le

« pensez, car le maréchal sait, par une dépè>che reçue le 23, que le maréchal de MacnMahon est en route pour venir à lui. » 11 me raconta’ alors que, dans cette journée du 23, un émissaire était arrivé porteur d’une dépêche roulée sous forme de cigarette ; il ajouta que, l’ayant apportée au maréchal, celui-ci ’ l’avait dépliée et lue devant lui : cette dépêche annonçait la marche du maréchal de ’ Mac-Mahon dans la direction de Metz. »

Le maréchal Bazaine nie énergiquement ’ avoir reçu cette dépêche le 23 ; d’après son dire, elle ne lui serait parvenue que le 29 ; mais le témoignage formel de deux officiers supérieurs aussi honorables ne peut laisser subsister aucun doute, et on a le droit de conclure que le maréchal Bazaine a été informé de la marche du maréchal Mac-Mahon probablement le 20, et certainement le 23. Un autre témoignage, celui de M. Ilnlme, filateur à Mousson, achève de dissiper toutes les incertitudes qui pourraient subsister encore. Le 29 août, en effet, M. Huline remettait au maréchal de Muc-Mahon, à Raucourt, une dépêche expédiée de Thiouviile le 27 et ainsi conçue :

1 Le colonel Turnier fait savoir qu’il reçoit de Metz, pour être communiquée à l’armée